Thalya Sombe, les clés de la perf’
Thalya Sombe, récente championne du monde espoirs à Konya et victorieuse de la coupe de France ce week-end en -68kg après une superbe journée, est aussi l’expression d’un travail de fond. Identification des clés de son succès, dans son club du CKS en Pays Créçois, avec les frères Marc et Yves Ruelle.
« Ne pas être dans un grand jour et repartir avec l’or, c’est plutôt pas mal non ? », sourit Thalya Sombe lorsqu’on lui annonce que Marc Ruelle, son entraîneur au CKS en Pays Créçois Karaté, n’était pas vraiment satisfait des premiers combats de sa ruée vers l’or aux championnats du monde U21 de Konya (Turquie). « Plus sérieusement, je partage son analyse. Le stress dû à l’enjeu était vraiment prégnant pendant mes premiers tours. Tout ça ne s’est dissipé qu’à partir des quarts de finale, un déclic aussi bien mental que physique essentiel pour la suite. » La suite ? Une démonstration (6-0) en demi-finale face à la combattante slovène puis une première finale internationale négociée en patronne face à la Turque Sudenur Aksoy, pourtant revenue de 1-4 à 4-4 dans les derniers instants du combat. « Je n’ai jamais été inquiet pendant ce combat, tout était entre les mains de Thalya, même pendant la remontée de la Turque, confie Marc Ruelle, présent dans les tribunes du palais des sports de Konya. Malgré son avantage au Senshu, elle a continué de prendre l’initiative pour l’emporter, ça, c’est Thalya ! » Un dernier point. 5-4. Championne du monde.
Cinq saisons en famille
Un couronnement mondial après six titres nationaux, qui récompense quatre années d’un travail mené de concert par le CREPS de Châtenay-Malabry en semaine, et à une cinquantaine de kilomètres plus à l’Est le week-end. La récente championne du monde rembobine. « À l’époque, j’avais quitté Sin-le-Noble pour intégrer le CREPS, et je recherchais un club en région parisienne pour parfaire mon entraînement. Yves et Marc ont tout fait pour me mettre dans les meilleures conditions, une attention primordiale pour moi, qui cherchais à retrouver un club familial. » Un état d’esprit au centre du projet associatif des frères Ruelle, dont le club fondé il y a une quinzaine d’années compte aujourd’hui près de trois-cents licenciés, dont une écrasante majorité de pratiquants loisirs. « Ce maillage associatif s’avère essentiel, aussi bien dans notre progression que celle des athlètes, identifie Yves Ruelle. On souhaite les voir évoluer dans le cercle le plus sain possible, mais ensuite, ils sont seuls maîtres de leur destin. » Recette gagnante ? En tout cas, un fonctionnement également gagnant avec Marion Champagne, médaillée de bronze par équipes aux championnats du monde juniors 2019, mais aussi Jennifer Zameto, en bronze dans sa catégorie à Konya. « Chez nous, on compte à peine un compétiteur sur dix licenciés, mais ils représentent quatre-vingt-dix pour cent de notre temps, souligne le responsable technique du CKS en Pays Créçois Karaté. Il faut veiller aux sollicitations, à leur vie sociale et familiale aussi. Savoir expliquer à l’athlète lorsque l’on sent qu’il se relâche, tout en sachant aussi laisser une bulle d’oxygène. »
Quête de confiance
Nul doute que cette fibre sociale indéniable aura contribué à identifier le manque de confiance de la jeune karatéka dès son arrivée en Seine-et-Marne. « Malgré un karaté d’une pureté rare, une sorte de don, Thalya n’en avait pas réellement conscience, elle manquait cruellement de confiance en elle et avait du mal à ajuster son karaté à l’adversaire », détaille Yves Ruelle. Et si son frère Marc ne cache pas avoir poussé sa protégée dans ses retranchements pour évaluer sa détermination à éclore au plus haut niveau, leur verdict est sans appel : depuis l’échec des derniers championnats d’Europe en République tchèque, l’espoir de dix-neuf ans a passé un cap, et sait se sublimer dans les grands rendez-vous. L’intéressée confirme : « ces derniers temps, j’ai pris confiance en moi, en mes forces, gagné en régularité et en lucidité, et beaucoup travaillé sur ma stratégie en combat. Mais ce n’est pas une fin en soi, le monde seniors m’ouvre ses portes, et c’est ce titre de championne du monde là dont je rêve. »
Un tremplin doré
Pour poursuivre sa progression, et sur les conseils de ses entraîneurs, la Française fait désormais appel à un préparateur mental. « Il a été déterminant au cours de ces championnats du monde, pose Thalya Sombe. Surtout, depuis un an qu’il me suit, je suis beaucoup plus organisée, et même si j’ai eu des hauts et des bas, je parviens à me concentrer sur l’essentiel et à ne pas perdre de vue mes objectifs. » Après une première année à l’université lors de laquelle elle regrette de ne pas avoir su mieux s’organiser, la rentrée 2022 semble s’ancrer sur de meilleures bases, aussi bien sur les tatamis qu’en dehors. « Il serait dangereux de penser que, désormais, la route est toute tracée, avertit pourtant son entraîneur. Aussi belle soit elle, cette réussite aux mondiaux reste le résultat de plusieurs facteurs et, comme avec tous les athlètes, cet équilibre est très fragile. L’avantage que l’on a tout de même, c’est que Thalya veut tout gagner ! » Elle s’est d’ailleurs imposée ce week-end lors de la coupe de France seniors. Ensuite ? La jeune femme voudrait multiplier les expériences en seniors pour s’acclimater au plus haut niveau. « Nous, on veut que Thalya continue de grandir, tempère Yves Ruelle. D’un côté, il faut éviter de la “griller“ dans cette phase ascendante, et même temps, c’est un talent qui a toutes les armes pour s’imposer en seniors. Elle s’ouvrira elle-même beaucoup de portes. » Apport du club, travail en commun avec le staff national… Un projet avec l’athlète au centre que souligne Yann Baillon, le directeur de la haute performance. « Cette synergie est d’abord au service de Thalya. Elle passe sa semaine au pôle de Châtenay-Malabry, avec Cécil Boulesnane comme référent et le reste du temps au club où elle trouve d’autres choses. C’est un excellent exemple du travail complémentaire qui peut exister entre le club et la structure fédérale. Il existe beaucoup d’échange et d’intelligence autour de Thalya, notamment sur la planification. » De quoi regarder loin.