Yann Baillon « Accompagner la structuration des territoires »
Réorganisation de la DTN et des missions dans les territoires, écoute des clubs, développement de la pratique para et du karaté en milieu scolaire… En cette rentrée, le directeur technique national détaille sa feuille de route.
Vous avez récemment réuni les directeurs techniques de ligues en séminaire à la fédération, avec une nouvelle ambition pour leurs rôles et leurs missions. Pouvez-vous nous expliquer ?
Nous avons effectivement réuni nos directeurs et directrice techniques régionaux ces dernières semaines dans la continuité de ce qui a été fait ces derniers mois. Ce qui est nouveau en effet, c’est la prise de fonction de cadres d’État comme Alexandre Biamonti en PACA, Cécil Boulesnane en Ile-de-France, ou encore Ayoub Neghliz, davantage dans un rôle de coordonnateur sur la Bourgogne-Franche-Comté, alors Ludovic Cacheux était déjà en place sur la ligue Nouvelle-Aquitaine et qu’il y a mis en place beaucoup de projets.
C’est un choix fort, pour quelles raisons ?
Oui, c’est un point important de ma stratégie. Ne pas cantonner nos cadres à l’encadrement technique et au siège fédéral, c’est apporter des compétences spécifiques et du temps dédiés à développer des projets en matière de politique publique, d’accompagnement des clubs et des départements. Concrètement, ces cadres d’État voient leur temps de travail alloué à ces missions-là, pour soutenir et accompagner les directeurs techniques en place dont je vois parfaitement l’investissement qui, dans les faits, les amène à mettre le bleu de travail plus que raison, à s’occuper des organisations de compétitions, à animer les commissions sportives, et même à aller installer les tapis. Il faut leur rendre hommage par rapport à ce travail à la fois de terrain, de management et d’homme à tout faire, alors même que la quasi-totalité d’entre eux sont aussi des professeurs de club. Nous devons être là pour eux.
Il s’agit donc, plus que jamais, de se mettre au service des territoires ?
C’est exactement cela : les respecter, les soutenir, c’est leur apporter une aide humaine, concrète, notamment sur la partie institutionnelle, sur les subventions, sur les services civiques, sur les emplois, sur le PSF. Au niveau régional donc mais avec l’ambition que cela aide les départements, et donc le club, le niveau local. Le projet de développement du karaté français, au sens large, pas seulement sur l’aspect sportif, mais bien sur celui de toutes les pratiques, de nos écoles de karaté comme des disciplines associées, passe par ce modèle que je mets en place avec l’appui du président.
Dès cette rentrée, ce sont donc quatre régions qui vont bénéficier du dispositif…
Oui, avec l’objectif d’aller aider les autres à se développer, accompagner sur la structuration, les subventions de l’ensemble de nos organes déconcentrés, sans rentrer dans la partie technique, sportive, qui reste confiée à l’équipe technique régionale. Ce que l’on veut essayer de mettre en place aussi sur le reste de la saison, c’est un fonctionnement de type « boîte à questions » qui remontent aux cadres. Charge à lui de prendre son téléphone et d’appeler le club : « Quel est votre problème ? Où vous situez-vous ? Je vais contacter votre municipalité et prendre rendez-vous avec le directeur des sports ». Le soutien se trouve là jusque dans le dossier à monter, à pousser pour les demandes de créneau, de travaux, de matériel qui donnent souvent droit à des subventions de la part de l’ANS. Mais pour cela, il faut connaître les mécanismes de décision, les attendus, avoir du temps, savoir formaliser un dossier qui est souvent lourd, tenant compte aussi que les politiques publiques sont différentes selon les territoires… Quand on est un club, un département, ce n’est pas si facile. Je parle de créneaux, de subventions, mais je pourrais aussi citer la formation des dirigeants, les aides à l’emploi, l’accompagnement au haut niveau, le lien au scolaire, le plan de féminisation…
Le projet est ambitieux, on imagine que cela demande des moyens humains ?
Oui. Nous avons obtenu un poste de cadre pour Mathieu Cossou depuis le 1er septembre. Il aura des attributions sur le haut niveau, car il faut être performant là-aussi, mais il a déjà basculé sur des missions de développement. Je souhaite que la fédération obtienne au minimum un poste au professorat de sport de cette année, un profil qui sera aussi sur du développement.
Vous bougez considérablement les lignes…
J’en ai conscience, mais c’est notre mission. La plupart des cadres sont des anciens champions, des gens qui ont été baignés dans le haut niveau par l’entraînement. Mais ce sont avant tout des hommes de challenge : être celui ou celle qui va aider à développer la ligue et les départements, aider les clubs, dont ils sont tous issus, c’est aussi quelque chose de très valorisant. Cadres, ils sont avant tout des agents de l’État, la plupart issus des directions régionales. Ils ont des entrées, une facilité que les autres n’ont pas au niveau local sur le sport. Et cette double casquette, je veux l’utiliser. Je leur tiens un discours clair, honnête, ambitieux aussi : on peut réussir ça tous ensemble. Et c’est clairement le travail d’une fédération.
Parlons du sportif, avec des mondiaux jeunes qui arrivent et des championnats du monde par équipes en Espagne aussi (voir sélection ici ), sans oublier les compétitions nationales…
Pour l’équipe de France, Lolita Dona a intégré l’encadrement, et je souhaite faire évoluer le staff des équipes de France après ces championnats du monde. Certains entraîneurs sont arrivés à la fin d’un cycle, sans que ce soit péjoratif, et nous avons besoin de changement dans notre organisation du staff. On procédera donc aussi à cette réflexion, avec l’ensemble des entraîneurs en place, les élus de la fédération, et avec certains directeurs techniques régionaux qui ont aussi leur mot à dire. On échange beaucoup depuis plusieurs mois avec les clubs et cela va continuer. Dans le même temps, il faut que l’on se penche davantage sur le local.
« Je tiens à mes cadres un discours clair, honnête, ambitieux aussi : on peut réussir ça tous ensemble. Et c’est clairement le travail d’une fédération. »
C’est-à-dire ?
Ces réunions doivent servir aussi à récolter un maximum d’informations, d’idées et d’échanges pour pouvoir faire évoluer et donner des moyens aux clubs de pouvoir se développer par le biais de la compétition mais pas que. Il y a aussi l’aspect traditionnel. Là, c’est pareil, il s’agit de communiquer très régulièrement avec les clubs. On propose déjà de nombreux stages d’experts et ce sont des choses qui sont pérennisées, mais il n’en faut pas moins rester à l’écoute de ces clubs moins impliqués sur la compétition et recenser un peu plus leurs besoins parce qu’ils font partie d’une fédération et notre rôle est de les soutenir. Il en va de même pour les disciplines associées. Nous y consacrons des moyens humains importants, que ce soit sur le wushu, les arts martiaux vietnamiens, le krav-maga, les arts martiaux du sud-est asiatique, etc. Il faut que l’on continue à les aider à se développer et à faire en sorte qu’ils soient épanouis à la fédération et que des passerelles existent entre nos différentes pratiques car, on le voit bien, elle est souvent devenue pluridisciplinaire dans les clubs.
Vous vouliez aussi évoquer la pratique para ?
Oui, le souhait de voir le développement du para-karaté dans nos clubs a donné lieu à un projet d’envergure au sein de la DTN. Là aussi, c’est concret : il y a toute une série de vidéos qui va sortir cette saison sous forme de petites séries afin d’aider les professeurs à accueillir des personnes en situation de handicap dans leurs cours collectifs, d’avoir des idées de contenus, de mieux connaître les handicaps et leurs spécificités. Nous avons organisé énormément d’événements avec les paras, que ce soit sur le para sportif mais aussi autour de stages. Nous avons aussi modifié la réglementation des championnats de France paras en incluant les jeunes, c’est une révolution, parce qu’on doit absolument faire en sorte que le karaté puisse être un levier d’inclusion, que ce soit kata, en combat, en kihon, via nos disciplines associées, partout !
Un dernier mot, avant de lancer cette saison qui s’annonce très intéressante ?
Oui, sur le karaté scolaire. Nous avons fait notre rentrée dans nos clubs quelques jours après la rentrée des classes, et le karaté scolaire doit devenir une priorité. Je me suis déjà exprimé sur le sujet, mais on avance et la DTN que je dirige est mobilisée sur ce dossier. Une plaquette, avec des contenus pédagogiques, téléchargeable, sortira dans les semaines à venir pour aider les clubs à aller vers les directeurs d’école et les mairies pour les maternelles et les primaires, afin de monter des projets sur le modèle : « voici ce qu’est le karaté et ce que nous pouvons vous proposer ». Dans le même temps, nous travaillons pour que le karaté puisse être institutionnellement validé par l’Éducation nationale comme une discipline sans contact pouvant être exercée à l’école. L’idée est d’intégrer le programme scolaire du secondaire, comme le font le handball ou le judo, et être dispensé en EPS. L’Éducation nationale, avec qui nous travaillons depuis des mois, nous a demandé de lui rendre un projet d’ici la fin de l’année. Il y a une forte envie de leur côté que le karaté entre en primaire. Une formation des enseignants est à l’ordre du jour. C’est une grande avancée et nous allons y arriver.
Cet entretien est à retrouver dans le dernier numéro (OKM#15) de votre magazine digital Officiel Karaté Magazine