
Thalya Sombé renverse l’adversité
Blessée et incertaine, la jeune Française signe une performance majeure ce dimanche en -68kg et donne des couleurs à un Open de Paris qui a surtout démontré la force de frappe des meilleurs étrangers.
Sombé, l’attente
Pendant plusieurs heures de cette journée de médailles, la rumeur resta persistante. Blessée la veille, dès l’échauffement, aux ischio-jambiers, la jeune double championne du monde espoirs ne ferait peut-être pas sa finale. Et puis la bonne nouvelle a balayé le doute : elle serait là !
Mais il fallait attendre, bien sûr. Une bonne attente, autour d’une grande journée de karaté qui faisait monter l’excitation et l’enthousiasme, même s’il n’y avait pas beaucoup de Français à encourager.
Le public ne boudait pas son plaisir devant la grande explication en kata qui validait les nouvelles hiérarchies. La Japonaise récompensée marque les esprits en battant largement la vice championne du monde et championne d’Asie (devant elle), la Hong-Kongaise Mo Sheung Grace Lau. Avec son Chibana no Kushanku – le kata du jour – elle atteignait les 44.4 points, laissant loin derrière la triple médaillée mondiale. Maho Ono sera probablement la représentante nippone aux championnats du monde du Caire cette année.
Pour lui, c’est déjà assuré. La domination de Kakeru Nishiyama sur le kata mondial est énorme. Il n’a plus perdu depuis les championnats du monde 2023 ! C’est avec Chibana no Kushanku lui aussi qu’il ventilait façon puzzle son adversaire du jour, son compatriote Yasuhiro Machida, avec la note sidérante de 45.9 ! On ne voit pas qui peut se hisser à ce niveau dans les mois qui viennent.
L’Égypte, c’est très fort
Mais c’est l’Égypte que l’on a surtout vue, dans une belle série de finales victorieuses. En -55kg, où Ahlan Youssef réussissait un bel ura-mawashi pour dominer dans les dernières secondes son adversaire canadienne, en -75kg et en -84kg surtout. Avec d’abord le très vif numéro un mondial Abdalla Abdelaziz, en or à Casablanca, Le Caire, Antalya, Paris, aux championnats d’Afrique et championnats du monde. Il est toujours invaincu depuis août 2023 ! Il était une nouvelle fois vainqueur, et très dominateur devant le jeune Monténégrin Nemanja Mikulic, incapable de trouver la bonne distance d’attaque contre lui. Avec le magistral Youssef Badawi ensuite, champion du monde en titre, qui plaçait dix points au numéro un mondial, le jeune Jordanien Mohammad Aljafari, pourtant impressionnant d’explosivité et de précision, mais impuissant devant le champion et ses ura-mawashi d’un autre monde.
Sydney Yvon n’a pas le temps d’attendre
Et puis arrivait le très beau hors d’œuvre d’une médaille de bronze pour la France en -61kg. Pour qui ? Léa Avazéri ou Sydney Yvon ? Les deux animatrices de la veille s’opposaient pour cette belle récompense. Menée de deux points à trente secondes de la fin, la plus jeune des deux trouvait alors la solution sur un admirable petit balayage du pied avancé qu’elle parvenait à convertir avec une frappe originale du pied au sol, suivie peu après d’un joli mawashi au corps. À dix-huit ans, cette première médaille dans son premier Karate1-Premier League réchauffe les cœurs et lui offre de belles perspectives.

Sombé, le rock
Enfin le temps était venu ! Dans la bronca électrique du public, le speaker de la fédération mondiale faisant résonner son nom, Thalyaaa Sombé ! Face à elle, une dynamique Japonaise, Kama Tsubasa, qu’elle va devoir apprendre à connaître puisque, troisième à Paris l’an passé puis première au Caire, elle est déjà quatrième mondiale à vingt-et-un ans. Elles se rencontreront souvent dans les années à venir, et peut-être pour des médailles mondiales. Si la Française est blessée, cela ne se voit pas. La Japonaise, si prolifique en points dans ses combats précédents, ne semble pas trop savoir comment prendre d’assaut cette tour de contrôle qui la jauge du regard avec beaucoup de calme. Thalya Sombé ne peut pas lancer ses techniques de jambe, mais c’est elle qui prend l’initiative, en deux temps, pour une touche dans la première minute. Kama Tsubasa revient au score, mais elle court tout de même derrière et la jeune championne, devant son public, se sent manifestement très bien dans cette finale. Elle anticipe avec son kizami, absorbe avant de remiser, chasse le bras adverse pour mieux contrer. La Japonaise est dépassée et en prend quatre. La joie des tribunes est à l’unisson de celle que manifeste la jeune reine de Paris. Elle l’a fait ! Un deuxième titre consécutif, à vingt-et-un ans, une performance majuscule.
Le directeur technique national, Yann Baillon, se joignait aux louanges et disait aussi clairement qu’elle avait été trop seule à ce niveau, comme il l’explique ici.
Le triomphe de Thalya Sombé amenait la médaille d’or qui donne à la France une cinquième place au classement des nations sur ce tournoi. Loin derrière le Japon cependant, qui rafle quatre titres, et l’intimidante Égypte, quatre fois en or elle aussi, uniquement par ses combattants. Taha Tarek Mahmoud, numéro un mondial et vice champion du monde profitait bien en effet en +84kg du bon de sortie qu’il avait arraché samedi à Mehdi Filali, le champion du monde en titre. Il s’imposait au Bosnien Anes Bostandzic, non sans avoir tout de même pris un ura-mawashi de cet intenable de vingt ans, pour se joindre au tir groupé de ses camarades. La leçon de Paris ? Thalya est grande… et le niveau sera très élevé aux championnats du monde fin novembre, du côté du Caire, en Égypte.
Emmanuel Charlot / Agence Sen No Sen