

J. Tapol : l’histoire d’un mode de vie
A l’occasion de la sortie de son livre « Karaté et petits satoris », Jacques Tapol, champion d’Europe (1981) et du Monde (1986), revient avec nous sur la réalisation de ce livre, parsemé d’expériences positives comme négatives et empreint d’authenticité.

FFKDA : Pouvez-vous revenir rapidement sur votre parcours de karatéka ?
Jacques Tapol : « Lorsque j’étais jeune j’ai été plusieurs fois malmené et agressé. Lorsque j’ai découvert le karaté, à l’époque des Dominique Valéra, Guy Sauvin, ou encore Francis Didier, cela m’a attiré. Au départ, je ne vous cache pas que j’ai commencé parce que j’avais envie de me battre. J’ai donc débuté le karaté auprès de Hiroo Mochizuki, en 1971. A l’époque on commençait le karaté tardivement, et moi qui avait 16 ans, j’étais le plus jeune de mon club.
J’en suis venu à la compétition parce que j’en avais peur. Et je me suis dit, autant combattre le mal par le mal, afin de vaincre cette crainte. J’ai ensuite rencontré Thierry Masci, avec qui on partageait cette énorme envie de gagner, notamment pour les Championnats du Monde de 1986. On s’entraînait tout le temps, sans relâche. En parallèle j’avais commencé à étudier de nombreux bouquins sur la tradition japonaise ainsi que la préparation mentale. On avait vraiment cette hargne de la gagne, et ça a fini par payer !
Aujourd’hui je suis plus un entraîneur de club, et j’aime le travail de fond. Que ce soit sur des enfants, ou des adultes, de la pratique loisir ou à haut niveau, je souhaite que chacun vive une réelle progression. C’est ainsi que je prends du plaisir. »
FFKDA : « Karaté et petits satoris » est votre premier ouvrage ?
JT : « Oui, il s’agit de mon premier livre. Et cela m’a pris du temps de le rédiger intégralement, car je souhaitais l’écrire simplement et faire passer des messages traditionnels à travers des histoires amusantes. Au départ je suis parti dans des tournures de phrases bien trop alambiquées… C’est pour ça que j’ai mis autant de temps ! (rires) Il est paru le 24 mars 2016. »
FFKDA : Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’écrire ce livre ?
JT : « Il y a souvent un discours qui ressort, qui dit que les sportifs ne sont pas dans l’état d’esprit traditionnel, et je voulais montrer que quelle que soit la façon dont on pratique le karaté, c’est bel et bien l’état d’esprit qui compte. Quoiqu’on fasse, si on est dans la démarche d’un esprit ouvert, alors on peut tirer des enseignements de ce qui nous arrive, même en étant compétiteur et considéré comme un « non-tradi ». J’avais envie de réunir les gens, peu importe leur pratique. »
FFKDA : Quel en était le but ?
JT : « Tout d’abord je voulais faire connaître la discipline au grand public, car même une personne qui ne pratique pas le karaté, ni les arts martiaux, peut lire ce livre. Il est construit à travers des histoires et anecdotes amusantes et faciles à lire, d’ailleurs j’aborde plus mes combats perdus que gagnés ! (rires)
Il y a aussi cette démarche de motiver les pratiquants à s’ouvrir à ce côté traditionnel à travers l’état d’esprit qu’il engendre.
Enfin, personnellement cela m’a permis de mettre mes idées au clair, et de les structurer. Je voulais que ce soit limpide et facile à comprendre. »
FFKDA : Comment s’est passée sa rédaction ?
JT : « Il y a eu un gros travail de recherche d’archives. J’ai énormément de livres sur le karaté et les arts martiaux. Il fallait que je réussisse à faire passer ce message, que lorsque l’on pratique le karaté do, on doit s’intéresser à la culture japonaise. Le Zen et le Shinto ont influencé le karaté, il y a un vrai pont entre la pratique et la culture. »
FFKDA : Vous évoquez dans votre livre qu’il faut garder cette culture japonaise dans la pratique du karaté do mais également l’adapter à notre culture européenne. Qu’avez-vous voulu dire ?
JT : « Il faut garder la culture japonaise mais également faire le lien avec la nôtre. Il y a des éléments de notre culture, dont certains que j’ai pu apprendre en lisant un livre sur le savoir-vivre (rires), qui nous sont indispensables et même s’ils se rapprochent de la culture japonaise, ils nous sont propres. Injecter notre culture dans cette pratique, c’est en faire le parallèle avec la culture japonaise. Et c’est également se retrouver dans sa pratique personnelle. »
FFKDA : Pouvez-vous nous résumer en quelques mots le contenu de votre livre ?
JT : « Il s’agit de tout ce qui régit le karaté tourné de façon amusante. J’y évoque tout un tas d’anecdotes, de combats, de défaites, de grands moments de fraternité. J’y évoque pas mal de grands champions comme Marc Pyrée, Thierry Masci, Francis Didier, car ça a été un immense bonheur de les fréquenter. J’allais en équipe de France par plaisir, car c’était toujours l’occasion de se retrouver.
Je reviens aussi sur la gestion des athlètes, qui a bien changé. Aujourd’hui les athlètes sont encadrés, grâce à F. Didier, actuel président de la FFKDA, et T. Masci, actuellement Coordonnateur Technique National, qui ont mis beaucoup de choses en place en ce sens et ce dès leurs premières fonctions au sein de la Fédération. »
FFKDA : C’est un livre rédigé à la première personne « je », est-ce vraiment votre vision personnelle, ou retranscrivez-vous une pensée universelle ?
JT : « Il y a d’abord une volonté d’impliquer les lecteurs, sinon je trouve ça impersonnel. Et puis c’est plus marrant car plus direct. Toutefois, j’y évoque une pensée universelle, l’enseignement qu’on peut trouver dans le karaté. J’ai essayé de retransmettre la sagesse d’un art traditionnel oral. »
FFKDA : En parlant d’art traditionnel oral, vous expliquez dans votre ouvrage que la transmission du Kata était exclusivement orale dans le passé… Dans quelle mesure ?
JT : « A l’époque, à Okinawa, on n’écrivait pas les choses, il n’y avait pas de vidéos, rien de tout ça. La transmission se faisait par la pratique, ce qui était indispensable pour ressentir les choses. Les senseis qui acceptaient de transmettre ce savoir en étaient les gardiens, et ne le dispensaient qu’à ceux qu’ils jugeaient aptes de le recevoir. Tout est codifié au Japon, et le Kata également. Il s’agit d’un élément indispensable et indissociable de la pratique du karaté do. »
FFKDA : Votre livre est-il destiné à un public pratiquant uniquement ?
JT : « Non, au contraire. Les pratiquants comme les non-pratiquants peuvent le lire.
Il est destiné aux non pratiquants dans la mesure où cela peut les inciter à pratiquer. Il y a beaucoup de personnes qui sont attirées par le côté artistique et l’accomplissement personnel et on les trouve justement dans le karaté.
Il est également à destination des pratiquants, car il a une double lecture. Pour les jeunes qui aujourd’hui n’en voient pas l’efficacité, il s’agit de leur enseigner le fait qu’ils peuvent s’accomplir par le biais du karaté. Et pour les plus adultes, il s’agit de faire changer l’image qu’ils ont du karaté. Beaucoup se basent sur l’image dont il jouissait dans les années 70, une image très violente, à la Bruce Lee… Mais il faut comprendre que ce n’était qu’une période de promotion, et que cela n’est plus le cas ! »
FFKDA : Vous parlez, en début d’ouvrage, du « Ki ken taï ichi » disant que sa réalisation demande de nombreuses années d’entraînement, et votre dojo se nomme le « Ki Ken Taï », tout est lié ?
JT : « Oui tout est lié, parce que « Ki ken taï ichi » signifie le mouvement parfait, et l’idée que je souhaite enseigner dans mon dojo c’est qu’il faut réussir à lier l’esprit qui domine tout avec la technique et la préparation physique. »
FFKDA : Vous avez déjà des retours concernant votre livre ?
JT : « Oui, et pour le moment ils sont assez positifs. On me dit souvent que le fait d’évoquer mes expériences, positives comme négatives rendent le livre authentique et agréable à lire, car il est dénué de toute prétention. »
« Karaté et petits satoris » de Jacques Tapol est disponible à la vente sur internet en suivant le lien suivant.