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Garrigue Karaté Do : Silence, ça pousse

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Jeune association de l’Est nîmois, le Garrigue karaté do est devenu en moins de dix ans un club qui compte en région Occitanie. Un esprit familial pour encadrer des gamins souvent issus de quartiers difficiles et prouver que les jeunes pousses s’épanouissent même si le terreau est dur.

Un sol sec, caillouteux, balayé par le vent qui descend des terres. Dans la garrigue poussent des buissons épineux, des arbres durs au mal et quelques talentueux karatékas. Faute de salle, c’est au milieu de cette végétation caractéristique du sud du pays que les élèves d’un club nîmois fraîchement né ont parfois dû s’entraîner au début des années 2010. Avec l’aide de la mairie, des créneaux ont depuis été trouvés, les tatamis ont remplacé la poussière, mais la structure familiale a inscrit cette histoire dans son logo – un arbre au côté d’un combattant – et son nom : l’école Garrigue karaté do. Symbole d’un terreau pas toujours facile mais où les petits parviennent à grandir et se développer, notamment grâce au karaté.

Un club jeune, monté par des parents des quartiers Est de Nîmes qui ont découvert ce sport via leurs enfants et qui, presque en rigolant, se sont lancés dans l’aventure. « Notre but, quand on a commencé, c’était de tout faire pour nos enfants, pour qu’ils s’épanouissent dans le respect et la tolérance plutôt que de traîner à la maison ou au quartier », se souvient Aziz Ennasri, le président. Licence abordable pour les familles en difficulté, encadrement des jeunes au-delà du karaté : le club se veut un lieu de vie au sens large. « Nous, les habitants de ces quartiers, on n’arrête pas de nous dénigrer et on en souffre énormément », soupire le président qui insiste sur la richesse et les ressources des jeunes du coin.

Entraîneurs, grands frères, tuteurs

Sa grande force, le club la tire de sa paire d’entraîneurs, les frères Youssef et Iliess Ouissa, 27 et 23 ans. Arrivés à l’automne 2016, les deux compétiteurs (Ilies a participé aux dernières Series A de Salzbourg et Istanbul) ont immédiatement fait l’unanimité auprès des élèves. « Ce ne sont pas des entraîneurs rigides, autoritaires, apprécie le président. Ils font un peu office de grands frères pour nos gamins et gamines. La relation ne s’arrête pas à la fin des cours. S’ils ont des problèmes, les jeunes viennent leur en parler. » Un rôle social, des sorties à la piscine ou au cinéma, qui vient en appui d’un rôle sportif évident. « On n’est pas seulement entraîneurs, on est éducateurs, confirme Youssef, l’aîné. On est jeunes, on comprend leurs délires, on connaît leur parcours de gamins des quartiers. On est là pour leur transmettre des valeurs, les faire grandir, s’assurer qu’ils prennent le bon chemin », développe celui qui est aussi éducateur sportif pour une petite mairie près de Nîmes.

Leur arrivée a même permis de sauver le club, qui était tombé à moins de dix licenciés après plusieurs péripéties et le départ du premier entraîneur. « À l’époque, on pensait tout arrêter, confie Aziz Ennasri. Mais on s’est dit que l’on n’avait pas fait tout ça pour ça. On a serré les dents, et l’impact des frères Ouissa nous a fait repasser à cinquante licenciés dès la saison suivante. » Aujourd’hui, ce sont soixante-douze adhérents, de l’éveil karaté aux jeunes trentenaires, qui s’activent lors des quatre créneaux que possède le club. Sous l’impulsion des deux frangins, le Garrigue s’est aussi rapproché, depuis septembre 2017, d’un autre club nîmois où ils entraînent : le Jiyujin Karaté Do. « Notre père était un passionné qui nous a mis au karaté, confie Youssef, ému. Il est mort juste avant qu’on arrive à Garrigue, et c’est aussi pour lui rendre hommage, poursuivre son travail, qu’on est autant investi. Il rêvait qu’on ait un club et, aujourd’hui, on en a deux : il serait très fier de nous. » Mutualisation des moyens, vivier plus important, émulation à l’entraînement… Sous l’appellation « Team Ouissa », l’association a permis d’assurer plus de mixité sociale entre quartiers, mais aussi de franchir un nouveau cap sportif.

Résultats inespérés

Ces deux dernières années, les podiums départementaux et régionaux s’enchaînent… et même plus. En avril, deux licenciés du club ont intégré les équipes de France jeunes. Mateusz Rozanska pour l’Open de Serbie, en Youth League, et Yassine Ennasri, le fil du président, pour les Jeux méditerranéens d’où il a ramené une médaille de bronze. « Imaginez l’émotion pour un club comme nous qui sort de nulle part, savoure le président. Monsieur Alexandre Biamonti en personne (ancien champion du monde, aujourd’hui entraîneur de l’équipe de France, NDLR) qui appelle pour dire que tel gamin est sélectionné. On est sur un nuage, jamais on n’aurait imaginé ça quand on s’est lancé. » Émotion partagée par Youssef Ouissa : « Mateusz, c’était mon voisin, on habitait dans le même bâtiment quand il était tout petit. Je le revois en train de faire des pâtés de sable avec ma petite sœur devant la maison. Aujourd’hui, il fait 1,95 m et finit deuxième à la Coupe de France ! »

Récompense inespérée, le club a décroché son premier titre de champion de France début mai, avec la victoire de Yassine Ennasri en cadets (-63 kg). « J’en avais les larmes aux yeux, se remémore Youssef, son coach. C’est l’accomplissement d’un tel travail fourni depuis tant d’années, tant de sacrifices. » Une fierté qui déborde aussi des mots d’Aziz Ennasri, son président de papa. « Avant Antalya (lieu des Jeux méditerranéens), mon fils m’a demandé : “Papa, si je gagne, est-ce qu’il y aura la Marseillaise ?” Comprenez, il la connaît par cœur et rêvait de la chanter. Comment certains osent encore nous dire qu’il faut qu’on s’intègre ? » Tenant du sport comme « facteur essentiel de vivre ensemble », le président espère désormais séduire un sponsor pour rayonner davantage. Et agrandir sa pépinière de jeunes talents.

Gaëtan Delafolie / Sen No Sen

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