Commission de Développement des Styles Traditionnels
Objectif
Créée il a un peu plus de deux ans déjà, la commission de développement des styles traditionnels s’est donnée comme objectif de répertorier et développer les styles traditionnels d’Arts Martiaux Chinois pratiqués en France.
Fonctionnement
De nombreuses rencontres ont eu lieu avec des spécialistes qui maîtrisent la totalité de leur style (Formes, exercices de base spécifiques, stratégie, travail à deux, combat, applications) afin qu’ils incorporent notre commission et deviennent des ambassadeurs de leurs styles.
C’est ainsi que nous avons nommé des chargés de développement dans les 14 styles répertoriés à ce jour. Cette liste n’est pas exhaustive et la recherche n’est pas terminée.
- Taiji quan style Chen
- Taiji quan style Yang
- Taiji quan style Sun
- Bagua zhang
- Baji quan
- Yi quan
- Wing chun
- Pak mei
- Shaolin quan
- Tong bei quan
- Cha quan
- Qi xing tang lang quan
- Taiji tang lang quan
- Zui quan
Nous pouvons nommer plusieurs chargés de développement par style en fonction de l’étendue de sa pratique sur le territoire. C’est le cas pour le Shaolin quan et le Wing chun. Ces spécialistes de styles traditionnels étaient souvent hors fédération. Notre projet de développement les a enthousiasmé et convaincu de nous rejoindre, ce qui va nous permettre de nous agrandir et de nous enrichir techniquement. Nous travaillons actuellement sur l’intégration du Taiji quan Wudang et du Choy lee fut.
En pratique
1- Des stages de découverte et perfectionnement technique : tous ces styles seront représentés lors des différents stages et rencontres nationales qui seront au calendrier de la saison prochaine (4 stages nationaux dans quatre grandes villes différentes, une rencontre nationale pour le Wing chun et une rencontre nationale pour le Taiji quan avec comme moteur la pratique du tuishou).
2- Une intégration de ces styles traditionnels dans le règlement de passage des grades :
Il est à noter que ces styles sont répertoriés dans le règlement CSDGE (programme de passage des grades dans lequel vous pouvez trouver les listes de taolu conseillés par duan par style)
Les stages nationaux peuvent vous rapporter 1 point de bonus pour vos passages de grades.
3- De plus, nous organisons depuis deux ans des stages internationaux avec de grandes personnalités reconnues mondialement, tel que Me Lee Kam Wing (Qi xing tang lang quan). Nous avons reçu des stagiaires et des écoles venus d’Angleterre, d’Ecosse, d’Allemagne, d’Italie, du Liban et nous attendons pour le prochain stage la Belgique et l’Espagne.
Rendez-vous à la rentrée et venez nombreux découvrir ces merveilleuses richesses des arts martiaux chinois que sont ces styles traditionnels !
Stéphane Molard
Président de la commission de développement des styles traditionnels
Retrouvez ci-dessous la présentation des différents styles traditionnels :
- LE BAJI QUAN 八极拳
- LE MIZONG QUAN 迷蹤拳
- LE YIQUAN 意拳
- LE ZUI QUAN 醉拳
- LE PAKMEI KUNE 白眉拳
- TAI JI QUAN STYLE WU (HAO) 武式太极拳(郝)
Wu HuiQing (assis à droite), grand-père de Maître Wu LianZhi, au milieu de des élèves, photo prise en 1936.
Le Baji Quan (八极拳) est un style de combat du nord de la Chine, issu de la région de la ville de Cangzhou (沧州) dans la province du Hebei.
L’origine historique du Baji Quan reste inconnue à ce jour, le premier pratiquant dont on retrouve la trace écrite fut un dénommé Wu Zhong (吴钟,1712- 1802), membre de la minorité Hui et issu de la grande famille Wu qui s’est installée dans le comté de Cangzhou au début du 15ème siècle. Les détails de la vie de Wu Zhong restent à ce jour mal connus.
D’après les annales officielles du comté de CangZhou publiées en 1933 et le manuel de la famille Wu imprimé en 1936, Wu Zhong aurait grandi au sein de la branche des Wu du village de MengCun (孟村, à 30 km de la ville de CangZhou). Un moine taoïste itinérant nommé Lai (癞) et son disciple Pi (疲) auraient séjourné au village de MengCun pendant 10 ans pour enseigner le Baji Quan ainsi que le maniement de la grande lance à Wu Zhong lorsqu’il était adolescent.
Agé de 23 ans, Wu Zhong se serait ensuite rendu au temple Shaolin du sud de la province du FuJian, où il aurait réussi à entrer et sortir 3 fois du temple sans être atteint par les armes cachées et autres pièges qui protégeaient l’édifice.
Par la suite, la réputation de Wu Zhong aurait fini par atteindre le palais de l’Empereur, si bien qu’il aurait été convoqué à la cour par le prince YinTi (胤禵), 14ème fils de l’empereur KangXi (康熙), pour se voir offrir une place d’instructeur à la résidence du prince où il aurait séjourné jusqu’en 1775.
A cette date, Wu Zhong qui était âgé de plus de 60 ans serait retourné à MengCun pour y résider jusqu’à sa mort et consacrer les trente dernières années de sa vie à transmettre aux membres de sa famille l’art du combat qui l’avait rendu célèbre, et auquel il donna le nom de Baji Quan.
Développement
Pendant les premières générations, le Baji Quan s’est d’abord transmis au sein de la famille Wu qui a également assuré la diffusion du style auprès d’autres familles de MengCun et des villages aux alentours comme LuoTuan (罗疃), ZiLaiTun (自来屯), HouWangZhuang (后王庄), etc. Les héritiers actuels de la famille Wu sont maître Wu LianZhi (吴连枝 – 7ème génération) et son fils Wu DaWei (吴大伟 – 8ème génération), qui aujourd’hui encore continuent d’enseigner le Baji Quan à Mengcun. Si le Baji Quan est resté essentiellement un style rural pendant les XVIIIe et XIXe siècles, le style s’est graduellement répandu au début du XXe siècle jusqu’aux villes environnantes (Cangzhou, Tianjin, ZaoZhuang, etc.).
Pendant l’ère républicaine (1912-1949), la pratique des arts martiaux est tout d’abord considérée comme « rétrograde » par le pouvoir en place, puis elle est encouragée à partir des années 30. Ainsi, quelques enchainements de Baji Quan sont introduits dans le cursus obligatoire de différentes académies entretenues par le Gouvernement Nationaliste, tels que l’Académie Centrale de Arts Martiaux de Nanjing (南京中央国术馆) ou l’Académie Militaire de Guilin (桂林军校第六分校). Bien que les cursus de ces institutions ne comportent que quelques enchainements standardisés à des fins d’éducation physique, ce statut contribue au rayonnement national du Baji Quan.
Par ailleurs, un expert de Mengcun, Wu XiuFeng (吴秀峰, père de Wu LianZhi), est enrôlé à la même époque par le Parti Communiste Chinois comme instructeur de l’Armée Rouge. En 1949, à la suite de l’arrivée des communistes au pouvoir, certains pratiquants de Baji Quan décident de suivre le GuoMinDang dans son exil vers Taiwan. L’île devient alors un deuxième foyer où le Baji Quan s’est développé indépendamment des écoles de Chine continentales, étant donné la rupture entre les deux républiques de Chine.
Du côté du continent, la pratique des arts martiaux est tout d’abord encouragée par le Parti Communiste Chinois, puis réprimée à partir de 1966, pendant la Révolution culturelle et la pratique du Baji Quan se maintient dans la clandestinité pendant quelques années. L’interdiction est levée et l’organisation des compétitions reprend à partir 1971, puis la pratique des arts martiaux traditionnels est officiellement encouragée à partir de fin 1978 suite à l’ouverture du pays à l’international.
Ainsi, au début des années 1980, le développement du Baji Quan a bénéficié d’une nouvelle impulsion et on a assisté alors à la publication de nombreux ouvrages et le style s’est répandu dans différents pays asiatiques tels que le Japon, la Corée, etc. où il est devenu très populaire. Parallèlement, certains pratiquants Taïwanais et continentaux ont immigré vers les USA et l’Europe pendant les années 1980-90. C’est ainsi que le style a commencé à se faire connaitre en Occident, pour finalement connaître un rayonnement international.
Spécificités du Baji Quan
Principes de base
Comme indiqué ci-dessus, le Baji Quan est issu de la minorité chinoise des Hui qui ont pour particularité d’être traditionnellement de confession musulmane, tout en étant linguistiquement et culturellement indiscernables de l’ethnie chinoise majoritaire des Han (汉). C’est pourquoi les fondements théoriques du Baji Quan reposent entièrement sur la pensée traditionnelle chinoise. En premier lieu, le terme « Baji » est issu du HuaiNanZi (淮南子), un ouvrage philosophique rédigé au 2ème siècle avant JC et fortement influencé par le taoïsme.
Littéralement, le terme « Baji » (八极) peut se traduire par « huit directions », mais il est généralement employé pour désigner « les huit confins » du monde. En ce qui concerne la pratique, un des piliers de l’apprentissage réside dans les exercices posturaux, avec plus particulièrement le travail de la position appelée « LiangYi Ding » (两仪顶), i.e. position des deux principes, où les deux principes représentent le Ying et le Yang. Cette position, véritable apanage du Baji Quan, s’effectue en posture du cavalier, les deux coudes repliés dans une attitude qui est visiblement inspirée du caractère traditionnel représentant le nom de famille Wu « 吳 ».
De manière générale, les techniques du Baji Quan sont réputées pour faire appel à la force explosive (BaoFaLi – 爆发力) qui s’obtient d’une part par un « guidage » particulier du souffle (XingQi – 行气) et d’autre part grâce à une mécanique du corps précise et spécifique au Baji Quan. Parmi tous les principes de base, on notera que les déplacements du corps doivent combiner trois composantes principales : charger (Chuang – 闯), s’enfoncer (Chen – 沉) et broyer (Nian – 碾).
Les frappes font quant à elles appel à 6 forces principales appelées Liu Da Kai (六大开). Lorsque tous les principes de base du style sont bien maitrisés, on obtient l’émission de la Force Explosive caractéristique du Baji Quan. Toutefois, celle-ci ne peut être acquise qu’après un long travail, tout d’abord centré sur l’acquisition des techniques de base (i.e. JiBenGong, 基本功), puis la combinaison de ces techniques dans des enchaînements ou formes prédéfinies (i.e. Taolus, 套路) pour déboucher sur leurs applications en combat libre.
Techniques et tactique de combat :
Malgré sa base théorique très riche, le Baji Quan est un style d’apparence simple, aux techniques dépouillées qui proscrivent toute acrobatie, et son orientation directe vers le combat est évidente. Le style a pour caractéristique d’utiliser les huit extrémités du corps pour frapper (tête, épaules, coudes, mains, hanches, coccyx, genoux et pieds) et il est résolument une méthode de combat à courte distance où l’on cherche systématiquement à entrer dans la garde de l’adversaire.
En ce qui concerne les défenses, les mouvements de petites amplitudes et près du corps sont privilégiés de manière à protéger l’axe central du corps. L’utilisation omniprésente des coudes, pour la défense ou l’attaque est également un des traits de marque de cette école. L’efficacité au combat du style a de tout temps été réputée en Chine, ce qui a entre autre valu au Baji Quan le surnom de « style des gardes du corps », des pratiquants réputés ayant été recrutés comme garde du corps de personnalités politiques (empereur PuYi, président Taiwanais Zhang JieShi, etc.).
Taolus et armes
A l’époque de Wu Zhong, le Baji Quan ne comportait vraisemblablement que trois formes ou Taolus : la petite forme du Baji Quan (XiaoJia – 小架), la grande forme du Baji (DanDa – 单打) avec sa version à deux (Dui Da – 对打) et la forme avancée SiLang Kuan (四郎宽) qui était réservée aux membres de la famille Wu.
Par la suite, les différentes branches du Baji Quan ont toujours voulu maintenir ouverte la diffusion du Baji Quan. Ainsi, l’enseignement s’est constamment enrichi au fil des années au gré des rencontres avec les autres styles de la région (PiGua Quan, TaiJi Quan, XingYi Quan, etc.) et on compte actuellement une quinzaine de formes dans le système de la famille Wu. La pratique des armes a suivi la même progression : le Baji Quan était à son origine basé sur le maniement de la grande lance des 6 coordinations (LiuHe Da Qiang – 六合大抢, une lance de plus de 3 m de long et semi rigide), du bâton du promeneur (XingZhe Bang – 行者棒) et du sabre « feuille de saule » (Ti Liu dao – 提柳刀). Par la suite, d’autres armes ont été intégrées au système, telles que la lance courte, l’épée, la canne, le sabre MiaoDao (苗刀), la hallebarde, le fouet « queue de tigre », le marteau météore, etc.
Au centre, Maître Wu Sanzhu, fils de Wu Xingju (élève de Huo Yuanjia), à droite Maître Jung Yung-Hwan (disciple et héritier unique de Maître Wu Sanzhu)
C’est incontestablement un des styles les plus célèbres de Kung-fu. Issu de la province du Hebei, le Mizong Quan (迷蹤拳) doit sa notoriété aux grands Maîtres qui ont fait de lui un des styles majeurs dans l’histoire des arts martiaux chinois. De Lu JunYi (盧俊義) surnommé la Licorne de Jade à Yanqing (燕青) surnommé « le Prodigue » ou encore surnommé «le Vagabond» (deux des héros principaux du célèbre roman «au bord de l’eau» Shui hu Zhuan – 水滸傳), en passant par Jin Naluo, moine du monastère de Shaolin du Henan… de nombreuses légendes et personnages ont contribué à la large diffusion du Mizong Quan, déjà largement pratiqué de Cangzhou à Tianjin. Cette notoriété fut renforcée avec de très nombreuses adaptations cinématographiques relatant la vie et les exploits de grands Maîtres de ce style tel que Huo YuanJia (霍元甲), petit fils de Huo Xu Wu, dont la dernière adaptation au cinéma est « le Maître d’arme avec Jet Li ».…
Les premiers témoignages écrits concernant le Mizong Quan datent du 18ème siècle. Pour retracer les origines du style, la plupart des Maîtres actuels sont d’accord pour remonter à Sun Tong (孙通, 1772-1882), natif de la province de Shandong. Dès son plus jeune âge, il pratique le Kung Fu avec sa famille et se passionne par la pratique et l’étude des arts martiaux chinois, ce à quoi il consacrera sa vie. Très jeune, il est envoyé auprès d’un Maître mystérieux nommé Zhang Xianshi (张先师 ou Zhang Changxingn 张长兴), originaire de Yanzhou, afin d’y étudier le Kung-fu. A ses côtés, Sun Tong devient un véritable expert de la discipline, tout particulièrement en technique de jambe, ce qui lui vaudra le surnom de « jambe de fer » dans toute la province. Après 10 années d’apprentissage, l’élève finit par dépasser le maître et Zhang Xianshi l’encourage à parcourir la Chine afin de parfaire ses connaissances auprès d’autres Maîtres. Son périple martial le mène jusqu’au prestigieux et réputé Monastère de Shaolin, situé dans la province du Henan. Après quelques années d’études au sein du Monastère, il retourne quelque temps au village de son Maître où il est reçu et hébergé par la fille de ce dernier. Une rumeur court, selon laquelle il aurait accidentellement tué cette dernière. Cet événement marque le début d’une vie d’errance qui va l’amener à s’installer et enseigner dans de très nombreux villages. C’est finalement à Yaoguantun 姚官屯 qu’il s’installe définitivement et enseigne le Mi Zong Quan jusqu’à la fin de ses jours. Selon les récits, Sun Tong a eu de nombreux élèves, dont six qui sortent du lot : Chen Wan Shan de Sun Zhuang, Su Jia Yuan de Cang Xian, Lu Gang Chui de Cang Xian, Yu Shi de Keniu, le moine Zhi yuan de Li Long Tun et Huo Xu Wu de Dong Guang. Parmi eux, Chen Wan Shan et Huo Xu Wu sont ceux qui ont le plus œuvré pour le développement et l’enrichissement du Mi Zong Quan.
Désorienter l’adversaire
Le Mizong Quan trouve ses origines dans une volonté de stratégie consistant à désorienter l’adversaire par des changements d’attitudes, des modifications de direction soudaines et imprévisibles, par des feintes… Afin que le pratiquant se transforme en une cible insaisissable. C’est en ça que l’école du Mizong Quan fait partie d’un groupe comportemental, n’étant pas tirée de l’observation d’un animal comme c’est le cas pour de nombreuses autres écoles.
Il s’agit d’un style complet et efficace ayant recourt à une très grande diversité de techniques (longue distance et corps à corps), même s’il est indéniable que l’utilisation des jambes est plus accrue pour ce style que dans beaucoup d’autres styles de Kung-fu.
Il est donc principalement caractérisé par de nombreux coups de pieds hauts et de nombreux coups sautés, tout en faisant également appel à des techniques plus courtes, telles que des coups de coudes, des saisies, des coups de genoux… Observer un pratiquant de Mizong Quan s’entraîner permet de constater son agilité, sa souplesse, sa vitesse, ainsi que ses changements d’appuis et de directions pendant l’exécution des différentes techniques. Le proverbe selon lequel « celui qui maîtrise le Qinna ne sera jamais perdant » prend ici tout son sens.
Rappelons-le, au-delà des aspects techniques évoqués, la principale caractéristique de ce style réside dans le fait qu’il cherche à désorienter l’adversaire pour parvenir à créer des ouvertures et attaquer. Le nom même de la discipline « boxe du pas labyrinthe » ou « boxe de la trace perdue » rend compte de cet état de fait. Concrètement, cela passe obligatoirement par la maîtrise et la compréhension des déplacements, particulièrement nombreux dans cette école.
Le pratiquant de Mizong Quan doit donc apprendre à être vif, fluide et toujours capable de reprendre une position stable. C’est un peu sa marque de fabrique. Pour y parvenir, une quinzaine d’exercices a été créée pour maîtriser les différentes formes de déplacements, caractéristiques et classiques. Comme dans beaucoup d’écoles de Kung-fu, l’étude de l’art repose principalement sur l’étude des taolu (ou formes), ces dernières varient d’une école à l’autre mais conservent toujours l’ensemble des techniques de l’art. Dans notre lignée de Mizong Quan, elles sont au nombre de 7 formes à mains nues et de 10 formes avec arme (à noter qu’il existe aussi des combats imaginaires à deux avec armes tels que lance contre sabre…). Fait remarquable : en parallèle à cette pratique, la branche Mizong Quan de la famille Huo est une des rares écoles à y associer l’enseignement du Qi Gong. En effet, l’étudiant se voit enseigner des exercices statiques tels que les dao Yin et plus particulièrement Le Mizong Jiazi Gong.
Voila en quelques lignes une vision globale du style du Mizong Quan de la lignée du la famille Huo. Un livre en cours d’écriture avec mon ami et frère de Kung-fu, Raphaël Liogier, permettra au lecteur d’avoir beaucoup plus de détail et d’illustrations.
Le Yiquan apparaît au 20ème siècle, crée par le fameux grand maître Wang Xiangzhai 王芗斋 (1886-1963).
Il est légitime de dire que le Yiquan prend ses racines dans le Xing yi quan, et ce à plus d’un titre. En effet, Wang Xiangzhai est disciple du Maître Guo Yunshen (1820-1901) lui-même disciple de Li Laoneng (1807-1888), « père » du Xing yi quan du Hebei. Le jeune Wang Xiangzhai a hérité les principes du Xing yi quan de son maître Guo Yun Shen et principalement le travail, peu connu et transmis, du zhanzhuang (posture). Il raconte lui-même que Guo Yunshen ne voulait pas qu’il pratique les taolu, secondaires selon lui, mais qu’il se focalise sur le zhanzhuang et l’acquisition des principes.
De là très certainement provient l’abandon des formes ou taolu par Wang Xiangzhai et la naissance du Yiquan, le Xing 形, caractère voulant dire « forme » disparaissant, pour nommer l’art de Wang Xiangzhai : Yiquan, boxe de l’intention, bien que nous puissions aussi le comprendre comme « Boxe de la pensée » ou « Boxe de l’esprit ».
Vers 1918 Wang Xiangzhai entreprend de voyager dans toute la Chine pour parfaire son gong fu. Il se rend notamment plusieurs fois à Songshan-Shaolin et y étudie le Xin Yi Ba (Boxe du Cœur et de l’intention), et dans la même province (le Henan) le Xin Yi Liu He Quan (Boxe du Cœur de l’intention et des six harmonies). Ces arts sont considérés comme sources du Xing yi quan et ont influencés grandement le Yiquan.
Le Yiquan est aussi influencé par d’autres arts, dont il inclura des principes, tels le Bai He Quan ou le Tang Lang, le Tong Bei Quan ou encore les danses libres anciennes étudiées auprès de Huang Muqiao qui deviendront le Jianwu (danse de la boxe du Yiquan).
Et bien sûr par le Bagua Zhang et le Taiji quan et le shuai jiao dont Wang Xiangzhai fréquentait des maîtres (Cheng Tinghua, Dong Haichuan et Liu Fengchun pour le Bagua, Yang Shaohou et Yang Chenfu pour le Taiji).
En 1939, Wang Xiangzhai vit et enseigne à Beijing, considéré comme représentatif de la boxe chinoise il donne une interview dans le quotidien de l’époque assez critique sur la dérive des arts martiaux et lance un défi aux autres disciplines.
C’est la période des défis : nombreux sont les maîtres et combattants qui viennent affronter le Yiquan à Beijing. Avant d’affronter Wang lui-même, il fallait d’abord vaincre l’un de ses disciples, le plus souvent Yao Zongxun. Démontrant son efficacité martiale, le Yiquan devient célèbre.
Parmi les défis célèbres il y a celui lors duquel Wang Xiangzhai vaincra le maître japonais Kenichi Sawai, (1903-1988). Ce dernier donnera naissance au Japon au Taikiken, art de combat inspiré du Yiquan.
En 1941 Wang Xiang Zhai honore ses meilleurs disciples et nomme Yao Zongxun 姚宗勋 (1917-1985) son successeur. Sous son impulsion, celle de Bu Enfu également disciple de Wang Xiangzhai (champion de boxe anglaise et lutte chinoise), le Yiquan évolue et s’adapte aux formes modernes de combat. Yao Zongxun, tout en gardant l’enseignement traditionnel, intègre l’approche scientifique, et des méthodes d’entrainement inspirées de la boxe anglaise comme le travail au sac ou aux pattes d’ours et l’usage de protections et gants de boxe pour minimiser les blessures. C’est également sous son impulsion que le tuishou à deux mains se développe sous une forme mobile, et comme exercice préparatoire au combat, notamment de boxe au contact.
Le Yiquan cherche à acquérir une force explosive et spontanée, multidirectionnelle et unifiée, applicable en toute situation de combat.
Une attention particulière est mise sur l’intention. La pensée génère l’action que le corps effectuera, l’intention dirige la force et la manifeste. 凝神定意, 舒适自然 « figer l’esprit pour fixer l’intention, naturellement confortable ».
Le corps est décontracté et l’intention, le Yi, dirige les mouvements dans un premier temps. L’objectif est de parvenir à un état ou corps et esprit agissent en même temps, spontanément.
Le Yiquan possède un important corpus théorique, méconnu en occident et peu traduit pour l’heure et pourtant essentiel à sa compréhension.
Pour parvenir à cet état de spontanéité, d’unité corps-esprit et de force unifiée souvent appelé hunyuanli 浑元力 par les maîtres fondateurs du Yiquan, les techniques et formes sont délaissées au profit des principes, qui s’intègrent à travers la pratique de jibengong ou exercices de bases.
Parmi ceux-ci on trouve bien sur le zhanzhuang 站桩, La posture est ce qui caractérise le Yiquan. Tout commence par-là, car il faut dans un 1er temps acquérir un relâchement musculaire, une structure optimale, et développer et renforcer les tendons, ainsi que l’intention. L’intention est primordiale, et elle sera exercée dès le début aussi bien dans la prise de posture, que dans le fait de tenir celle-ci sur une certaine durée. De fait, elle gagnera en intensité et en constance, et deviendra l’élément principal de cette boxe.
Le travail de la posture permet d’unifier le corps, qui devient « comme un seul muscle », et lorsqu’une partie bouge, tout le corps bouge, 一动无不动.
On trouve également :
Le shili 试力, essai de la force, mise en mouvement lente des postures et travail des forces ;
Le fali 发力, l’art de sortir la force explosive ;
Le mocabu 摩擦步 ou travail de déplacement ;
Le shisheng 试声 ou pratique du son, visant à mobiliser le diaphragme et les muscles profonds dans l’émission de la force ;
Le tuishou 推手, à une et deux mains, application à deux de tout ce qui précède en vue du combat au contact ;
Le sanshou 散手 ou combat à proprement parler ;
Le jianwu 健舞 ou enchainement spontané pour la santé ou le combat, sorte de shadow-boxing ;
Le travail au bâton ou gun fa 棍发 visant à amplifier la force unifiée du corps ou hunyuanli.
Laurent Morlet, de son nom chinois Luohang 洛航, est Responsable du développement du Yiquan au sein de la Commission des styles traditionnels. Il est 5ème duan, et enseigne à Versailles, Beijing et Luoyang. Il est membre de l’Association de Recherche de Yiquan de Pékin et de l’Association de Yiquan de Luoyang.
En parallèle avec les sports de combats, iI pratique le Yiquan depuis les années 90 (qu’il découvre auprès de Jean-Luc Lesueur), d’abord en France puis en Chine.
Il devient disciple de Wei Yuzhu 魏玉柱 (1955-2020), lui-même disciple très proche de Yao Zongxun, en 2016 à Beijing, où il séjournera auprès de lui et sa famille. Ainsi il apprend le Yiquan non pas dans un camp, un centre ou bien un wuguan, mais directement du maître en vivant quotidiennement avec lui, et reçoit le Yiquan comme un mode de vie.
4ème génération du Yiquan, seul disciple non chinois de Wei Yuzhu, il est l’un des très rares shifu 师父(même parmi les chinois) à avoir le droit de prendre lui-même des disciples (5ème génération) reconnus en Chine, et du vivant de son maître comme depuis sa disparition en 2020, à être considéré comme son successeur.
Il réussit à transposer le système maître-disciple à la chinoise en France en parallèle à son wuguan, que son shifu Wei Yuzhu nommera « Yiquan chinois Versailles » 中国意拳凡尔赛 .
Il a la chance de pouvoir entretenir de véritables relations familiales avec la plupart des maîtres de Yiquan de la 3ème génération ainsi que de nombreux grands maîtres de Shuai Jiao.
LA BOXE DE L’IVRESSE Zui Quan 醉拳
Comme la plupart des pratiquants depuis que les arts martiaux chinois existent vous devez penser que le fameux style de Kung-fu de l’homme ivre existe uniquement : dans l’industrie cinématographique avec pléthore de films qui le met en scène depuis les années 70:
dans le Wushu moderne avec des formes sportives de création récente complètement dénudées de techniques martiales pures et efficaces, donc à l’antipode des styles d’arts martiaux chinois traditionnels lors de danses ou de rituels chamaniques chinois ancestraux.
Dans les jeux vidéos ou sur les trottoirs de bars jonchés de buveurs va-t-en-guerre hilarants !
Soyons clairs, 90% de ce que vous pouvez voir actuellement de prétendu Zui Quan dans le monde réel ou virtuel vous donne raison ! Et cela fait du tort aux 10% restants dont la rareté, l’authenticité et la richesse technique sont factuelles. Ceci dit, le manque d’exposition et de diffusion de ces formes traditionnelles de Boxe de l’Ivresse était un peu voulu jusqu’à présent, sauf pour d’irréductibles passionnés qui se sont donnés le temps et les moyens de creuser au bon endroit : Taïwan, et surtout au bon moment.
Essentiellement dans la première moitié du 20ème siècle et en provenance de la Chine continentale, un bon nombre de styles, d’écoles traditionnelles, de militaires de carrière, de maîtres d’arts martiaux reconnus et de déserteurs ont posés leurs valises, sans faire trop de bruit, sur cette terre insulaire isolée et relativement préservée de l’agitation du siècle dernier. Diffusant ainsi leur art respectif à l’abri des regards quasiment jusque dans les années 80. Parmi eux, certains avaient des formes (Taolu) authentiques et traditionnelles de Zui quan au sein de leurs écoles/styles et plusieurs d’entre eux formeront ZHANG Kezhi : aujourd’hui âgé de 80 ans, il est considéré par ses pairs comme le dernier orfèvre en la matière et a été élevé au rang de trésor national.
À partir de 1959, au fil de ses recherches à Taïwan, Robert W. Smith répertorie deux maîtres pratiquants des formes traditionnelles de Boxe de l’ivresse – Chinese Boxing: Masters and Methods. Berkeley, California : North Atlantic Books, 1974 – dont celle des Huit Immortels ivres qui sera à jamais immortalisée sur le grand écran en 1978 par l’emblématique Jackie Chan.
Des écoles traditionnelles de courants mondialement reconnus tel que le Hong Quan (Hung Gar) et certains styles traditionnels issus du Shaolin du Nord, pour ne citer qu’eux, ont bel et bien créé et additionné à leur curriculum des formes de Boxe Ivre à des époques différentes, mais également de serpent, de chat, de singe et d’autres formes mimétiques bien trop souvent étiquetées, à tort, formes modernes.
Il est parfois difficile de remonter à la source de cet héritage autant géographiquement que sur la ligné des maîtres qui se sont succédés jusqu’à la création originale de ces Taolu, néanmoins la tradition orale nous donne des indicateurs. Pourquoi ont-ils été si peu diffusés ? Ce point et tant d’autres sur ce style controversé seront précisés et détaillés dans un ouvrage en cours d’écriture.
LE SPÉCIALISTE : Jean-François RAPELLI 風雲生
6ème Duan Kung-fu Wushu FFKDA | Expert fédéral & Responsable développement ZUI QUAN
- Pratiquant d’arts martiaux depuis l’âge de 10 ans | Titulaire d’une Maîtrise LLCE de Chinois AMU
- Ancien membre de l’équipe de France Kung-fu Wushu combat FFKAMA
- Représentant officiel à l’étranger du Grand Maître ZHANG Kezhi 張克治(Expert de Hong Quan洪拳, Zui Quan醉拳, She Quan蛇拳et Hou Quan猴拳| Disciple d’au moins 7 maîtres majoritairement du Guangxi et Guangdong dont certains militaires | Ancien consultant pour les 2 films cultes Drunken Master et Snake in the Eagle’s Shadow sortis en 1978 avec Jackie Chan en tête d’affiche)
- Seul occidental à avoir étudié 5 années consécutives à Taïwan sous l’aile de ZHANG Kezhi
- Unique détenteur au monde des 14 Taolu – 8 mains nues, 6 armes – traditionnels du Style de Kung-fu de l’Ivresse de ce dernier, dont le plus représentatif est la Boxe des Huit Immortels Ivres 醉八仙拳
L’ÉCOLE DRUNKEN MONK MARTIAL ARTS 風雲生醉武堂:
Fondé en 2019 et dont le but est d’organiser, structurer, « labéliser » et « démocratiser » dans un cadre progressif et rigoureux l’apprentissage et l’enseignement de la Boxe de l’ivresse transmise par ZHANG Kezhi « l’artisan » martial & PENG Hanping 彭韓萍 (1962-1999) « l’artiste » martial qui ont distillé la version supérieure de leur art à seulement une poignée de personnes. Ces experts ont dédié leur vie à rassembler et façonner toutes ces formes de valeur pour en faire un style d’art martial chinois à part entière et ô combien complet (préparation, Taolu, applications, philosophie). Voici quelques formes du style de l’ivresse de notre école : la mante religieuse, le fou, le singe, Wusong menotté, le bâton, la lance, la petite jarre et la tasse, … L’objectif de DMMA étant donc de poursuivre le travail initié par ces deux virtuoses et d’enfin redorer le blason du Zui Quan au sein de la grande famille des Arts Martiaux Chinois.
La Boxe de l’ivresse que nous pratiquons est techniquement riche en coup de coude, épaule, genou, pied et balayage atypique et surprenant ; utilisant la flexibilité et la décontraction pour jouer avec l’équilibre des corps, des changements de rythme alternant la légèreté et la lourdeur, la lenteur et l’explosivité.
Outre les armes classiques des Arts Martiaux Chinois, DMMA propose également l’apprentissage de Taolu d’armes rares et atypiques comme : le grand anneau, le balai, le tabouret, le banc, le parapluie, le bâton du singe, la flûte en métal, le Pu Dao, l’éventail, le Miao Dao,
JFR drunkenmonkmartialarts.com
LE PAKMEI KUNE 白眉拳L
La “Boxe du Moine Sourcil Blanc“ est un système de kung-fu qui naquit dans le sud de la chine. Popularisée premièrement par les films hongkongais de la Shaw Brothers et de la Golden Harvest, la légende du “Moine aux Sourcils Blancs“ se rependra en occident grâce au Globuster Kill Bill avec Uma Thurman et Gordon Liu dans le rôle du fameux moine.
En Chine, deux lignées distinctes coexistent, celle du maître Cheung Lai Cheun 张礼泉, répandue à Hongkong, Macao et Canton, et celle nous concernant, dite de Foshan, provenant de maître Lao Siu Leung 刘少良 (1906-1977). Système rare, la lignée de Foshan 佛山 est restée confidentielle jusqu’à sa découverte par Jonathan Barbary.
Deux légendes issues de la tradition orale en présentent son origine.
L’une d’elles avance que le moine Pakmei fut un renégat du temple de Shaolin du Sud 南少林寺, situé au Fujian福建. Suite à certaines querelles avec ses coreligionnaires, Pakmei aurait quitté Shaolin et se serait rendu sur le Mont Emei 峨眉山 dans la province du Sichuan 四川 ou il aurait créé sa boxe mixant ensemble les techniques externes d’obédience Bouddhiste et interne provenant du Taoïsme. Fort de sa nouvelle technique, il aurait alors mené une offensive meurtrière sur Shaolin, incendiant le temple pour le compte de l’Empereur qui considérait que ce dernier était le bastion d’une rébellion antigouvernementale.
La seconde légende, antinomique, place le moine Pakmei, ainsi que quatre de ses coreligionnaires, en rescapé de la fameuse attaque du Shaolin du Fujian par les troupes de l’Empereur. Le moine, caché et protégé par ses élèves, n’utilisa plus son nom réel, et le surnom de « Sourcil Blanc » lui fut alors attribué en raison de son apparence.
Les deux légendes s’accordent sur le fait que le style serait ensuite descendu dans la province du Guangdong 广东 dans le sud de la Chine ou il aurait fleuri dans le temple bouddhiste Guangxiao Si 广孝寺 de Canton 广州 sur trois générations.
Bien qu’aucune de ces deux légendes ne soit historiquement véridique, elles alimentent toutes deux l’imaginaire poétique du pratiquant. L’image d’un moine rebelle invincible contribue à porter les notions de courage et de détermination essentiels au combat. Le système et ses pratiquants jouissent toujours aujourd’hui d’une réputation sulfureuse puisque, au-delà de la mystique entourant le Pakmei, ce dernier fut, concernant la lignée de Cheung Lai Chuen, historiquement utilisé par les triades hongkongaises après la Seconde Guerre mondiale.
Le Pakmei de Foshan 佛山白眉拳
La lignée présentée ci-après provient de maître Lao Siuleung 刘少良 (1906-1977). Après avoir étudié divers systèmes dans sa jeunesse, maître Lao étudia le Pakmei auprès d’un moine Taoïste surnommé Fo Tao Kwan 火頭棍 dans la ville de Siu Guan. Il devint ensuite soldat du Guomindang et quitta Foshan. Pour le compte du parti nationaliste, il voyagea à Canton, Wuhan.. ou il mena diverses missions secrètes. Durant un temps, il assura également la sécurité de fumeries d’opium clandestines. Suite à son retour à Foshan, il constata que bien qu’y étant déjà représenté par un maître du nom de Chow Taisan, le Pakmei n’y jouissait pas d’une grande réputation. Les deux maîtres s’associèrent alors pour répandre la méthode. Lao Siuleung assiéra ensuite sa renommée en remportant de nombreux défis. Sa réputation fut si grande que dans les années 60-70 le Pakmei devint la boxe la plus largement pratiquée à Foshan.
La technique
Le Pakmei est un style interne 內家 (Neigong) / externe 外功 (Weigong) autant basé sur le développement physique/musculaire que sur l’énergie interne/travail du souffle 气 (Qi). Système pragmatique, féroce, direct, rapide et impitoyable, il fut créé dans un but essentiel d’efficacité. Le Pak Mei est basé de façon prédominante sur les techniques du tigre et du léopard, mais aussi sur leur esprit féroce au combat. La psychologie de destruction, l’intention Yi 意 générée dans l’action, tend à être supérieure en tout point à celle de l’adversaire. À l’image d’un tigre se jetant sur sa proie, l’attaque s’effectue de façon fulgurante sans laisser de porte de sortie à l’opposant.
Les techniques se développent à moyenne et courte distance en restant majoritairement dans la ligne de feu. Les mains ne reviennent jamais aux hanches, mais demeurent au contraire dans l’axe central du corps. Les différentes grèves utilisées visent essentiellement les points vulnérables du corps. Les formes de mains employées pour attaquer sont très nombreuses et s’exécutent dans toutes les directions et sous tous les angles. Au-delà des piques, paumes, poings, poignets et coudes, les trois façons de frapper les plus courantes sont : la patte du léopard (pao choy), les griffes du tigre (fu zhao) et le poing de l’œil du phénix (fong ngan) restant, pour le dernier, la signature du style. Bien que minoritaires, les techniques de jambes ne sont cependant pas absentes et répertorient quelques 8 coups de pied différents. Un certain nombre de clefs articulaires sont également disséminées ci et là dans les Tao Lu 套路.
Du point de vue de la stratégie, les techniques se développent par volets de coups exerçant une pression constante ayant pour but de déborder l’opposant. Les saisies sont couplées avec une frappe et les bras contrôlent ceux adverses lors de l’attaque. Système hautement offensif, les blocages sont des frappes et les frappes peuvent servir de blocages, l’intention étant littéralement d’attaquer l’attaque adverse.
La génération de la puissance provient du travail des hanches et la vitesse est produite par un aller-retour des mains simultanées appelé “Mains Yin-Yang“ 阴阳手. L’explosivité du système, le King 发劲 (Fajing), est très spécifique et est produite par une contraction brève des muscles couplée à une compression instantanée du Dantien 丹田. À l’image d’un craquement d’allumette, l’explosion doit jaillir soudainement et consumer l’opposant en quelques secondes. Système tendineux, les coups doivent être décochés tels des fouets en utilisant une extension totale des coudes et un relâchement instantané en fin d’action.
Les formes 拳 Kune (plus connu dans le nord par le terme Tao Lu 套路) sont relativement courtes, très rapides et très mobiles. Chacune d’elle développe un principe spécifique et possède des techniques lui étant caractéristiques.
Le curriculum complet dénombre 25 formes à mains nues différentes, dont 5 sont essentielles. Celles-ci sont :
- Sap Dji Kuen 十字拳 [Le Poing de l’Idéogramme 10]
- Tsat Tim Muy Fa 七點梅花 [7 Pétales de la Fleur de Prunier]
- Kao Bu Toy 九步推 [Les 9 Pas en Poussées]
- Sap Pa Mo Kiou 十八摩橋 [Les 18 Ponts (blocages) Effleurant]
- Fu Bo 虎步 [La Posture du Tigre]
Les armes sont peu nombreuses en raison du passage de la révolution culturelle. Celles-ci comptent désormais essentiellement le bâton, le sabre à deux mains et le banc chinois.
Le représentant : Jonathan Barbary 5ème Duan FFKDA
Le système est représenté par Jonathan Barbary qui fut son découvreur et premier divulgateur. Il est le disciple de feu Sifu Chan Yau Man 陈幼民 ainsi que du chef du style, Sifu Lao Wei Kei 刘伟基. Jonathan Barbary s’est ensuite formé à la pratique des armes traditionnelles chinoises auprès de maître Lai Chun Wah à Hongkong ; armes dont il pratique et enseigne plus de 80 formes différentes et dont il collectionne les exemplaires antiques. Il écrit régulièrement dans la presse martiale française et internationale et a publié 13 ouvrages sur les arts martiaux chinois et ses différentes pratiques. Il enseigne aujourd’hui en France ainsi que dans 7 autres pays à travers le monde ses différents arts enrichis une expérience solide du combat réel acquise de 15 années de travail en boîte de nuit.
Une réédition agrandie de l’unique ouvrage au monde sur le Pakmei de Foshan, le “Mystérieux et Impitoyable Pakmei de Foshan“ sortira dans les mois à venir.
Le style Wu (Hao) est un style majeur de Tai Ji Quan au même titre que le Yang, le Chen, ou bien encore le Sun. Développé au XIXe siècle, à l’époque où la pratique martiale du Tai Ji Quan s’est fait connaître du grand public, le style Wu (Hao) est quant à lui resté en retrait de toute médiatisation. Bien qu’il apparaisse moins martial que les autres formes précédemment citées, il mérite toutefois d’être mis à l’honneur pour la profondeur de ses principes. En effet, cette forme est incontournable pour celui qui veut étudier les origines du Tai Ji Quan.
Nommé Wu (武) d’après son fondateur Wu Yu Xiang (武禹襄, 1812 – 1880), cette forme ne doit pas être confondue avec le style Wu (吳) élaboré par Wu Jian Quan (吳鉴泉, 1870 – 1942), un célèbre maître qui vécut à la fin de l’Empire et au début de la République de Chine. Né au sein d’une famille où se mélangeait érudition et pratique martiale, Wu Yu Xiang qui bénéficiait de rentes importantes put consacrer sa vie à la pratique martiale sans avoir besoin d’enseigner professionnellement. Si cela n’aida pas la diffusion de ce style, cela lui permit néanmoins d’en approfondir les principes et de contribuer ainsi au développement du Tai Ji Quan.
Élève du célèbre Yang Lu Chan (杨露禅, 1799 – 1872), puis d’un certain Chen Qing Ping (陈清平), un maître résidant dans la localité de Zhao Bao, Wu Yu Xiang entreprit après des années de pratique un travail acharné de synthèse des connaissances acquises à leurs côtés. S’appuyant sur la théorie du Yin (阴) et du Yang (阳), il développa une forme concise et constituée de postures hautes aux mouvements circulaires et ramassés qu’il nomme Tai Ji Quan (太極拳).
Ce terme Wu Yu Xiang l’emprunta à Wang Zhong Yue ( 王宗岳, 1733 – 1810) – premier personnage historique connu et identifié de façon fiable dans l’histoire du Tai Ji Quan – qui l’utilisa pour la première fois au XVIIIe siècle dans son Classique du Tai Ji Quan (Tai Ji Quan Lun 太极拳论) que Wu Yu Xiang aurait découvert, un texte manuscrit jusqu’alors perdu et considéré aujourd’hui comme l’un des premiers traités connus dans l’histoire des arts martiaux chinois.
Bien que des suppositions laissent penser que Wu Yu Xiang serait lui-même l’auteur des travaux attribués à Wang Zong Yue, il ne fait aucun doute qu’il ait atteint un niveau exceptionnel lui permettant de développer son propre style. Afin d’en expliciter la pratique et la théorie, Wu Yu Xiang rédige entre 1850 et1855 plusieurs manuscrits de première importance et nomme son neveu Li Yi Yu (李亦畲, 1832 – 1892) comme successeur de sa boxe afin qu’il la développe.
Issu d’une riche famille, Li Yi Yu décide renonce à sa carrière d’officier pour laquelle il est destiné afin d’approfondir sa compréhension de cette boxe. Il resta ainsi neuf ans aux côtés de son oncle, contribuant au travail de recherche et d’écriture. Afin d’en éprouver la profondeur et l’efficacité, il releva de nombreux défis et sans relâche, il chercha méthodiquement à améliorer continuellement la boxe de son maître qu’il renomma style Wu (武). Son implication et son acharnement sont tels qu’il y consacra sa vie entière, rédigeant de nombreux écrits essentiels et qui constituent encore de nos jours les documents les plus fiables sur l’histoire du Tai Ji Quan.
Ses compétences et ses connaissances firent de lui l’unique héritier de ce style. Li Yi Yu n’accepta cependant que peu d’élèves et transmit son art principalement à son frère et à Hao Wei Zhen (郝為真, 1849 – 1920) qui fut désigné comme héritier du Tai Ji Quan style Wu (武) et resta à ses côtés jusqu’à sa mort. La renommée de ce dernier grandissant, de plus en plus de personnes se présentèrent à lui pour recevoir son enseignement. Il décide alors de rompre avec la tradition en acceptant comme élèves des personnes venant de différents horizons et même au-delà du cercle familial. Parmi les plus connus, figure le célèbre Sun Lu Tang (孫祿堂, 1861 – 1933) qui est déjà un maître reconnu dans les styles du Xing Yi Quan (形意拳) et du Ba Gua Zhang (八卦掌) quand il rencontre Hao Wei Zhen (郝為真).
À partir de ce moment, la notoriété du Tai Ji Quan style Wu (武) ne cesse de prendre de l’importance si bien qu’Hao Wei Zhen commence à être connu dans toute la Chine. C’est à son second fils Hao Yue Ru (郝月如, 1877 – 1935) qu’il passe la succession du Tai Ji Quan style Wu (Hao) avec comme mission de continuer à le faire connaître dans le monde. C’est d’ailleurs grâce aux recherches et au travail de la famille Hao, le Tai Ji Quan style Wu (武) prit le nom de style Hao (郝) à partir du XIXe siècle.
Hao Yue Ru s’appliqua à rendre la forme plus accessible. Il fit ainsi évoluer l’enchaînement en 96 mouvements auquel il retira les coups de pied sautés et fouettés. Il distingua également les phases successives (Qi 起, Cheng 成, Kai 开, He 和) du déroulement de chaque mouvement. Il contribua ainsi largement à enrichir la théorie du Tai Ji Quan et bien qu’il transmis son art à un très grand nombre d’élèves il ne donna toutefois un enseignement plus approfondi qu’à son fils Hao Shao Ru (郝少如, 1908 – 1983) qu’il nomma comme son successeur.
D’un naturel très costaud – on dit qu’il avait la carrure et la force de son grand-père – et grâce à sa rigueur et à la qualité de son enseignement, Hao Shao Ru devient l’un des maîtres les plus reconnus de Shanghai. Il pouvait non seulement expliquer avec clarté la théorie et les principes du Tai Ji Quan mais il est sans doute l’un des seuls à pouvoir en démontrer l’efficacité sans qu’aucun de ses partenaires ne puisse rivaliser. Après la proclamation de la République populaire de Chine en 1949, il contraint de travailler à l’usine jusqu’en 1961, date à laquelle il lui est permis d’enseigner à nouveau le style Wu (Hao).
L’année d’après, il publie un livre sur le Tai Ji Quan style Wu (Hao) au sein duquel il présente la forme en 96 mouvements de son père. Les précisions qu’il apporte sur le Tai Ji Quan en général étaient encore inconnues pour la plupart des gens de l’époque, ce qui lui permet de corriger de nombreux malentendus sur cette boxe. Cet ouvrage est d’ailleurs considéré aujourd’hui comme le plus important jamais écrit sur ce style. Après avoir pris sa retraite, il décide finalement de continuer à transmettre son art dans un des parcs de Shanghai et accepte en 1978 l’un de ses derniers élèves, Wang Mu Yin (王慕吟). Celui-ci resta auprès de lui et sa femme jusqu’à la fin de leur vie et fut rebaptisé par son maître, Hao Yin Ru (郝吟如, 1958), l’adoptant ainsi symboliquement au sein de sa famille selon la tradition martiale chinoise.
Admiratif de son maître, il suit son enseignement avec humilité et sérieux. En 1981, alors que son maître est malade, Wang Mu Yin commence à enseigner pour l’aider financièrement. À la mort de son maître, Wang Mu Yin continue de pratiquer seul en cherchant chaque jour à appliquer les principes qu’il lui avait enseignés. Très attaché à son maître, Wang Mu Yin a édité le livre commencé son par maître en l’enrichissant des connaissances transmises par celui-ci. Depuis 30 ans, maître Wang Mu Yin pratique et enseigne le Tai ji Quan style Wu (Hao) à Shanghai. Retraité depuis 2018, il consacre son temps à la pratique et à l’enseignement du style Wu (Hao), principalement à Changsha où il est installé depuis peu.
Originaire de Corée du Sud, maître Jung Yung Hwan déjà installé en France depuis plusieurs années fit la connaissance de Hao Yin Ru (Wang Mu Yin) dans les années 1990 lors d’un voyage à Shanghai. Après de nombreuses années consacrées aux arts martiaux chinois, il ne cessa d’être à la recherche de pratiques authentiques. Après avoir étudié directement le Tai Ji Quan auprès de ses meilleurs représentants – Fu Zhong Wen (傅仲文, 1903 – 1994) pour le style Yang, Feng Zhi Qiang (冯志强, 1928 – 2012) pour le style Chen – la rencontre avec Hao Yin Ru lui permis d’approfondir considérablement sa compréhension du Tai Ji Quan. Constatant la trop grande place accordée de nos jours aux enchaînements (Tao Lu) au détriment de l’indispensable travail de compréhension des principes, maître Jung mis en place sa propre méthode. Désireux de transmettre une pratique respectant l’essence des arts martiaux chinois, il développa ces dernières années une pédagogie basée sur les 4 directions de façon à permettre à tout pratiquant, débutant ou avancé, de mieux intérioriser les principes du Tai Ji Quan style Wu (Hao).
Chaque génération de maîtres depuis Wu Yu Xiang n’a ainsi cessé à son tour de compléter et d’enrichir ses recherches. C’est grâce à chacun d’entre eux que le Tai Ji Quan a traversé les siècles jusqu’à nous et c’est en lisant leur texte et en mettant en pratique leur enseignement que cette présentation historique du style Wu (Hao) a été rendu possible. J’espère qu’elle puisse éclairer chaque pratiquant, au-delà de toute différenciation d’école ou de style, et contribuer ainsi au développement des arts martiaux chinois.
Le Conservatoire des Arts Martiaux Chinois d’Aix-en-Provence prévoit pour cette année 2022 la sortie d’un livre consacré au style Wu (Hao)co-écrit par Timothy Poggioli et Cyril Nolgrove aux éditions CAMC.
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