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Sarah Nguyen, au nom du père

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Discrète, la fille de maître Nguyen Dan Phu, créateur de l’école Thanh Long, n’a réellement découvert le Viet Vo Dao qu’après la mort de son père. Aujourd’hui à la tête de sa propre école, la cadette de la famille veut en honorer la mémoire, avant tout.

« Certains de ses élèves étaient présents si souvent que je pensais qu’ils étaient membres de notre famille. Ils figurent même sur nos photos de famille ! » Au souvenir de son enfance jalonnée par les nombreux stages que son père organisait et auxquels elle assistait dès son plus jeune âge, la voix de Sarah Nguyen trahit un large sourire empreint de nostalgie. La jeune femme a pourtant parcouru un long chemin depuis ces années 1980 passées dans une petite maison du midi. Maître de conférences en droit civil à l’université de Toulouse depuis huit ans, sa vie est depuis partagée entre les déplacements partout dans l’hexagone métropolitain pour enseigner le notariat, une vie familiale bien remplie, et la gestion de l’école d’arts martiaux vietnamiens qu’elle a ouverte il y a une dizaine d’années. Les uns et les autres sont d’ailleurs inévitablement mêlés, tant l’art martial familial est inhérent à la vie de la Biterroise. De son mari Hafid, ancien combattant de taekwondo désormais entraîneur au sein de l’école, à ses deux enfants qui assistaient à ses cours alors qu’ils marchaient à peine, l’ensemble de la famille vit au rythme Thanh Long. « Cette année, ma fille de dix ans m’aide à encadrer le cours des enfants en bas âge, et mon fils pense toujours que le dojo fait partie de notre maison, sourit-elle. J’aimerais que le Thanh Long fasse partie de leur vie, mais je suis aussi attentive à ce que cela ne devienne une charge qui ne soit pas la leur. »

Maître Phu et sa fille Sarah, à 4 ans. Photo : Famille Nguyen

Père du Viet Vo Dao en France

Il faut dire qu’en tant que descendants du maître Nguyen Dan Phu, le poids du nom pourrait vite peser sur de frêles épaules. Inventeur et théoricien du Thanh Long, l’aïeul représente à lui seul un pan entier du viet vo dao. Enrôlé dans l’armée française à l’aube de la seconde guerre mondiale, il s’installe définitivement en France après la fin du conflit. C’est là que le natif de Da Ngưu crée et développe son propre style de viet vo dao, basé sur de précis mouvements de mains, et sur la maîtrise des armes traditionnelles. « Ce sont deux maîtres vietnamiens, ainsi qu’un maître chinois qui habitait près de la frontière, qui ont enseigné ces techniques martiales à mon père », pose celle qui intervient également en tant que juge de grade. Considéré comme le père des arts martiaux vietnamiens en France, la popularité de l’ancien traducteur atteint son apogée lorsqu’il co-fonde la Fédération Française de Viet Vo Dao au début des années 1970, depuis rattachée à la FFKaraté. Si l’âge et une grave blessure le forcent ensuite à se mettre en retrait, sa popularité reste intacte : « Souvent, des élèves venaient rencontrer mon père à notre domicile simplement pour lui rendre hommage, se remémore Sarah Nguyen. Il avait une aura telle, que certains pratiquants parcouraient la moitié de la France pour venir le rencontrer. » Si elle confirme être toujours en contact avec une poignée de ces « anciens », la professeure se souvient particulièrement de l’une d’entre eux : « Ce n’est pas mon père qui m’a appris ma première leçon, appelée leçon des tranches, mais Chantal Gilles, l’une de ses plus fidèles élèves ».

Inestimable héritage

« Tout ce que j’ai construit jusqu’ici, tout le temps et l’énergie que je dépense pour mon club, je le fais pour mon père. Je veux lui rendre hommage. » Si l’héritage mémoriel de son paternel semble aujourd’hui tenir du sacerdoce, la jeune femme a pourtant commencé à pratiquer l’art familial sur le tard. « C’est véritablement après sa mort que j’ai commencé à m’y intéresser vraiment et à m’entraîner, explique celle qui se souvient avoir écumé la filmographie de Bruce Lee durant sa jeunesse. Il accordait une grande importance à l’héritage culturel qui serait le sien, mais il a toujours privilégié nos études, ce dont je lui suis infiniment reconnaissante. » Alors que son unique soeur vit aujourd’hui à San Francisco, l’universitaire a décidé de rester en France et de marcher dans les pas de son père, et de ses demi-frères. « J’ai commencé dans l’école de mon demi-frère maître Michel, dont le style est très traditionnel. Peu après ma majorité, j’ai continué mon apprentissage avec maître Serge, avant de me rapprocher de maître Gilles. Je me suis beaucoup enrichie de ces différents styles, c’était nécessaire avant de monter ma propre école. »

Passer le témoin

Sûre d’elle, Sarah Nguyen décide de sauter le pas début au début des années 2010, et crée le Thanh Long Dại Việt Phái, dont le nom rend une nouvelle fois hommage à son père. Une décennie et cinq ouvrages en droit publiés plus tard, elle confie pourtant se remettre sans cesse en question. « Il est important d’accepter les critiques et de rester humble, poursuit la ceinture verte* de Thanh Long. Comme on dit, le doute est le point de départ de l’intelligence. » Située tout près des berges de la Garonne, son école se veut moderne afin de développer le Thanh Long. « Notre objectif est de dynamiser la pratique. J’ai voulu me tourner vers les jeunes, en développant le passage de grades ainsi que la compétition, ce sont des moteurs pour les enfants, et une vitrine pour notre discipline », avance celle qui veut également inciter les femmes à pratiquer davantage. Avant d’ajouter : « selon moi, il faut s’ouvrir aux autres pratiques. Le fait d’échanger nous permet d’enrichir nos connaissances et de découvrir des techniques insoupçonnées ». Une insatiable soif de nouvelles connaissances que la mère de famille voit également comme un prolongement de son métier de recherche en droit. « Depuis quelque temps, je me replonge dans les archives que mon père m’a transmises, pour voir s’il exécutait certains mouvements de la même manière. Comme dans mon métier, je tiens à sourcer mes connaissances, et à préciser l’origine des techniques que je montre. » Discrète mais pas effacée, la cadette des onze enfants du maître préfère définitivement laisser la lumière à son paternel : « moi, je suis celle qui passe le témoin. Je veux transmettre son art martial pour qu’il continue de vivre. Aussi longtemps que l’on continuera à pratiquer le Thanh Long, on se souviendra de mon père ».

* Pour rappel, au sein de l’école Thanh Long, la ceinture verte est le plus haut grade. Elle est le  symbole des disciples du maître Nguyen Dân Phú.

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