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Loïc Marty : « Proposer ce défi à notre karaté »

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Trente-et-un ans et quatrième dan de karaté, ancien de pôle espoirs, il se considère comme membre de la confrérie. Mais Loïc Marty a aussi évolué dans son parcours martial selon une exigence très personnelle, en estimant nécessaire de devenir un combattant professionnel de MMA. Un métier ? Une quête plutôt. Son expérience, il la met désormais au service de la FFKaraté, avec laquelle il a développé le « karaté mix ». Il parcourt désormais la France pour proposer des stages.

En karaté, pourquoi aviez-vous choisi le kata ?

J’étais un peu tête brûlée, bagarreur, mais je ne m’exprimais pas très bien dans le cadre du karaté combat, et je me suis passionné pour le kata. J’ai même intégré le premier pôle espoirs qui s’est ouvert pour le kata à l’époque, car j’aimais la précision technique et la forme. C’est ce dont j’avais besoin pour acquérir des bases et ressentir la beauté des gestes. Mais, au bout d’un moment, vers dix-sept ans, je me suis retrouvé bloqué. J’ai voulu bouger, voir autre chose, et je suis parti aux États-Unis, voir ce qu’ils proposaient là-bas en matière de sport et de systèmes de combat.

C’est là que vous avez découvert le MMA…

À vrai dire, j’ai vraiment voulu voir ce qui se développait là-bas autour de ce phénomène. J’avais une idée derrière la tête. Je voulais trouver ma propre liberté en tant que pratiquant, tester les mouvements dans ce contexte. Je cherchais la liberté, mais je me revendiquais en même temps d’une identité. Je voulais être un karatéka dans ce monde-là. J’ai répondu à l’annonce d’un club, celui de Frank Shamrock, un combattant pionnier de cette aventure. Le temps que la réponse m’arrive, il était déjà l’heure de repartir. Mais j’avais dix-huit ans, j’ai revendu ma voiture et je suis resté plus longtemps que prévu.

Comment cela s’est-il passé ?

Il était intrigué par mon style shotokan. Il m’a fait faire des combats organisés contre des combattants qui avaient déjà de l’expérience. Je ne peux pas dire que j’en ai tiré beaucoup de gloire ! Mais je n’ai jamais fait ça dans cet esprit. J’étais là pour approfondir et pour me tester. Et j’étais jeune. J’étais tellement nul au sol qu’il ne pouvait pas me prendre dans l’équipe. Mais j’avais quand même mis quatre KO et cela l’a intéressé. Alors il m’a intégré comme sparring officiel, ce que j’ai apprécié comme un grand encouragement et un honneur. Je faisais désormais partie de la « team », avec d’autres combattants spécialisés du niveau Cun Lee, qui était le représentant de la boxe xhinoise au club et qui a été champion de la « strikeforce » et a combattu à l’ « Ultimate Fighting Championship ». Il y avait des expériences intéressantes qui se faisaient là-bas, on enseignait le « judo for wrestling » par exemple, le judo appliqué à la lutte. Franck Shamrock m’a fortement incité à commencer à enseigner le « karaté pour le MMA ».

Tout en devenant vous-même un combattant de MMA…

J’ai commencé à combattre et, en 2009, j’ai obtenu le statut de combattant professionnel. J’ai fait soixante-sept combats en même pas cinq ans, dont cinquante-cinq en pro, la plupart en Europe à mon retour. Je n’étais pas tellement là pour la victoire mais, comme je l’ai dit, pour le test personnel. Et ce ne fut pas non plus pour l’argent, on était autour de trois cents dollars au démarrage. Ça m’a surtout coûté ! J’ai pas mal perdu, surtout au début, mais j’ai quand même accumulé cinquante-et-une victoires et, surtout, je n’ai jamais pris de gros coups dans la figure… sauf la première fois : j’ai voulu faire du MMA et j’ai pris un KO. Par la suite, je me suis souvenu pourquoi j’étais là et je me suis appuyé sur mes points forts, ce qui m’a valu un « award » du meilleur déplacement, un titre européen et même mondial, dans une ligue européenne, la UWC, en 2011.

Avez-vous bien vécu cette expérience, ainsi que votre entourage ?

Je ne peux pas dire que cela a été facile. Je travaillais en structure d’accueil de jeunes en réinsertion à Villeneuve-sur-Lot, laquelle a été bâtie par mon père. Mes aspirations très personnelles, je les ai tues au début. J’étais un petit ange du karaté et voilà que je voulais partir pour taper des gens ! Quand je suis revenu tuméfié, ça n’est pas passé et, la première ceinture que j’ai amenée à la maison, mon père l’a éjectée de la table. Mais ma famille a fini par comprendre que je faisais quelque chose qui avait du sens pour moi. Je fais aussi du tir de combat depuis mon retour en Europe. Tout cela a fini par faire sens.

Et le kata dans cette aventure ?

Je pratique toujours le kata. Je suis persuadé qu’il permet vraiment de construire un combattant. J’en suis la preuve vivante ! J’ai vraiment profité d’une explosivité à longue distance supérieure, que j’avais travaillée grâce à « Empi » qui est, selon moi, le kata le plus important pour le combat avec « Unsu ». Ce sont les références. Le kata reste pour moi très important pour former un karatéka capable de se confronter. Et on pourrait croire l’inverse, mais je suis persuadé que le karaté est tout à fait adapté au combat libre. Il est fait pour. On ne m’a jamais débordé en rythme, j’entrais en karatéka, je sortais en karatéka et mes attaques étaient dangereuses, je touchais pour des KO.
Pour moi, le MMA n’est pas un style, et il ne doit même pas être une discipline. C’est surtout une proposition d’épreuve, une expérience. On s’affronte, on progresse et, après, on revient dans nos dojos pour travailler nos techniques. Tous les arts martiaux ont cette dimension, peuvent prétendre à mesurer leur potentiel. Nous avons tout à fait intérêt nous aussi à travailler nos formes appliquées à cette expérience, à proposer ce défi à notre karaté.

Quel est ce « karaté mix » dont vous faites la démonstration en stage ?

Francis Didier nous a permis de faire le tour des ligues. Tout le monde est venu, du krav-maga jusqu’aux arts internes. C’est sans doute intéressant que je puisse à la fois être un enfant du karaté, construit par tout ce que la fédération a mis en place, et, en même temps, que je puisse proposer une expérience singulière comme la mienne. Nous proposons un tronc commun sur fond de transversalité, assimilable par toutes les disciplines de la FFKaraté, avec le pied-poing, le corps-à-corps, le sol. L’idée est de rendre accessible et claire une base de fondamentaux avec un système de déplacement, lesquels correspondent déjà à des acquis de nos pratiquants. La maîtrise de ces fondamentaux peut donner lieu à des grades, comme une discipline parallèle aux autres pratiques. Depuis quelques années, on a mis en place un système de compétition avec des règles très épurées, sans phase d’arrêt, un arbitre qui peut s’exprimer, pour tenter de s’approcher, d’illustrer une lutte martiale. On relève vite les combattants pour qu’ils puissent produire quelque chose et que le combat soit ludique et visuel. On doit s’y faire plaisir et démontrer de la qualité gestuelle. On est parti à quelques dizaines, nous voici près de deux cents dans les compétitions désormais, avec un championnat national, une coupe de France et un Open qui intéresse des combattants espagnols et anglais notamment. Si vous êtes volontaire pour une expérience de ce genre, nous sommes prêts à vous accueillir.

Emmanuel Charlot / Sen No Sen

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