
Amel Souidi, introvertie aux idées claires
Toute récente championne d’Europe juniors à Chypre, Amel Souidi a l’exigence chevillée au corps. Aussi discrète dans la vie qu’explosive sur un tatami.
« Après son premier combat, honnêtement, nous nous sommes dit : si elle continue comme cela, elle va au bout ! ». Présent à Larnaca (Chypre), Michel Da Costa a eu, une fois de plus, l’œil du maquignon. Le professeur d’Amel Souidi à l’USL Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle) ne doutait pas que sa protégée, arrivée au club en début d’année mais qu’il connaît depuis ses premiers pas dans un dojo, avait les moyens d’aller chercher ce titre continental. « Le matin des éliminatoires, j’étais détendue. Dans ma tête, c’était un peu un test car je n’avais plus combattu à l’international depuis une Youth League, début juillet 2019 ! », raconte Amel. Menée un à zéro en demi-finale par son adversaire slovaque, cette lycéenne en Terminale à Longwy ne s’affole pas et finit par l’emporter sur le score de… neuf à un. « Quand elle marque ce premier point, je la vois monter sur le podium. Impossible pour moi ! Je me dis alors : si tu gagnes ce combat, alors on ne pourra plus t’arrêter », se souvient-elle. Bien vu. En finale contre la Turque Buse Kilic et dans un combat fermé – zéro à zéro à la fin du temps réglementaire, la Française l’emporte aux drapeaux (quatre à zéro). La clé de ce succès ? « Avoir été agressive dans mes attaques. Avec mes entraîneurs, nous avons misé sur l’intelligence tactique : plus que de marquer, l’idée était de montrer que j’étais la plus dominante, la plus offensive. » Stratégie payante.

Exemplarité
Un sens tactique que cette élève résolument scientifique – ses spécialités sont science et vie de la terre et mathématiques complémentaires, à la maturité remarquable, sait devoir encore travailler. « Parmi mes principaux axes de progrès, il y a effectivement le fait de prendre moins de pénalités, notamment en m’appropriant pleinement les nouvelles règles d’arbitrage. » Michel Da Costa abonde : « Amel doit encore s’améliorer sur sa gestion de combat. Quand elle gagne, mais aussi quand elle perd. » Une exigence constante vis-à-vis d’elle-même : voilà ce qui caractérise peut-être le mieux cette jeune femme. « Je connais Amel depuis qu’elle a commencé le karaté. Et elle n’a pas changé depuis (sourire) ! Volontaire, bosseuse, une rageuse qu’il a fallu parfois freiner (sourire). Très à l’écoute aussi. Quand elle ne sait pas, elle demande malgré son caractère réservé. Je ne sais pas s’il existe des élèves parfaits, l’expression étant parfois un peu cliché. Mais Amel s’approche de cela », salue Michel. Une karatéka dont les principaux points forts reposent sur la vitesse au niveau des jambes et un panel technique très complet. « Elle démarre très vite et surprend souvent ses adversaires », explique encore son professeur.

Les seniors en ligne de mire
Une karatéka aux qualités évidentes et dont la dynamique de performance vient de loin : victorieuse de la coupe de France et troisième des championnats de France chez les minimes (-47kg), ses années cadettes furent mises en suspend par la crise sanitaire. En 2022, Amel devient inarrêtable : championne de France seniors (-55kg) en avril à Bourges et victorieuse et de la coupe de France juniors (-53kg) début décembre à Paris, de quoi valider son ticket international. « Entre lycée et karaté, j’ai une vie carrée (sourire). J’ai trois à quatre entraînements par semaine où je travaille la technique et le combat. La fin de semaine est dédiée à la préparation physique et au travail d’endurance. En ce moment, j’ai une légère blessure à la cheville. Les séances de karaté sont donc allégées et je fais du travail de renforcement musculaire. » L’idée ? Être prête pour les championnats de France seniors des 4 et 5 mars à Bourges, avant le championnat de France des ligues deux semaines plus tard à Villebon et, peut-être, une Youth League en Espagne. « Elle passera seniors à l’automne, analyse Michel Da Costa. On doit donc déjà voir plus loin : marquer des points à la ranking-list et avoir en tête, pourquoi pas, une sélection aux championnats du monde seniors d’octobre (à Budapest, en Hongrie, NDLR). J’espère en tout cas que ce titre de championne d’Europe juniors va lui faire passer un cap. » Ce titre européen ? « Honnêtement, ce titre ne m’a pas impactée. Pour l’instant, je suis détendue et avec plus que jamais l’envie de continuer à performer » dit, d’une voix posée, cette introvertie aux idées claires.