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Ron Rotem, le souci du concret

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Derrière sa mine joviale et son timbre de voix avenant se cache un redoutable combattant, rompu à l’exercice du corps-à-corps et parmi les plus fins connaisseurs du krav-maga, autant sur son versant technique que sur son histoire. Pas encore la quarantaine, Ron Rotem est déjà une référence, en Israël comme partout dans le monde. Il a pris le temps de livrer sa vision de la discipline lors de son récent stage en France, paroles d’expert.

À quand remonte votre découverte du krav-maga ?

L’histoire est plutôt amusante : un jour de 1995 où je me rendais à mon entraînement de volley-ball avec un ami, la pluie battante nous a forcés à chercher un abri en chemin. Le hasard a fait que nous sommes tombés sur une entrée de gymnase, où se déroulait une séance de krav-maga. Le professeur nous a vus et s’est approché, nous interpellant pour que nous enfilions les gants pour essayer… Mon ami a tenu deux-trois semaines, et moi je n’ai plus jamais arrêté.

Comment expliquez-vous ce coup de foudre ?

Grand et sec, j’étais un enfant un peu peureux, surtout dans ce climat de vigilance permanente qui est ambiant chez nous en Israël. Il m’arrivait de sortir avec un couteau dans la poche pour me rassurer, ce à quoi ma mère ne trouvait rien à redire. C’est mon grand-père, boxeur d’origine polonaise, qui, me surprenant ainsi armé, m’a emmené dans le couloir de la maison pour me montrer les fondamentaux afin de me défendre avec mon corps, sans avoir besoin d’autre chose. J’ai retrouvé ça dans le krav-maga, avec toutes ces notions de self-défense qui donnent autant de solutions pour savoir réagir de la bonne manière en cas de conflit.

De là à en faire votre métier…

Comme tout le monde, je suis entré dans l’armée à mes dix-huit ans. Comme j’avais déjà un bon bagage avec ma dizaine d’années d’expérience et ma ceinture noire, on m’a proposé tout de suite d’entraîner les autres. Moi qui voulais avant tout continuer de combattre et de me perfectionner, j’ai refusé. Même réponse deux ans plus tard et, lorsque le poste de chef instructeur des forces de défense israéliennes est devenu vacant : je n’étais pas vraiment partant non plus. Mon entourage a insisté pour que j’envoie mon CV, et c’est ainsi que tout s’est enchaîné, au détriment de mes études de Droit, qui me donnaient d’autres options pour mon avenir et m’aidaient à faire fonctionner mon cerveau.

Y a-t-il des points communs entre les deux domaines ?

Dans les deux cas, tout est affaire de logique ! Il faut connaître chaque détail pour détenir les bonnes clés pour se défendre, en suivant un cheminement clair et précis.

© Nicolas Leport

Est-ce si limpide en situation réelle ?

Tout se joue à l’entraînement. C’est le moment propice pour penser et conscientiser le geste adéquat à chaque situation, afin que tout devienne instinctif le moment venu. Car lorsque vous vous retrouvez en plein combat, il n’y a plus de place à la réflexion. Vous devez simplement agir. Il m’est arrivé de revoir des interventions qui avaient été filmées, et ce qui se passait sur l’écran ne correspondait pas du tout à ce que je pensais avoir vécu. C’est le temps de l’action, où seul l’instinct prime.

Sur quels aspects insistez-vous lors de vos stages et démonstrations ?

Cela tient essentiellement en deux points. Tout d’abord, même si notre étude consiste à maîtriser l’art de la self-défense, il faut toujours tout mettre en œuvre pour éviter autant que possible l’affrontement. Et quand cela n’est pas possible et que vous devez finalement vous engagez dans le combat, une seule alternative : vous devez gagner ! Cela ne passe évidemment pas par la mort de votre assaillant, mais bien par une mise hors d’état de nuire, proportionnelle à la menace elle-même. Mon autre message est celui de l’ouverture d’esprit. L’erreur est de se croire arrivé au bout du chemin et de ne plus chercher à s’améliorer. Personnellement, je suis bien sûr un peu professeur, mais aussi et surtout tout le temps étudiant ! Je considère que pour pouvoir bien entraîner, il faut être entraîné, donc je m’astreins à pratiquer pour moi tous les jours. Et pour compléter mon « voyage » dans le krav-maga, je vais aussi voir ce qui se fait d’intéressant dans la boxe anglaise, le jujitsu japonais, afin de me donner un autre point de vue sur les choses, un angle différent mais complémentaire.

C’est-à-dire ?

De mon point de vue, le succès du krav-maga, cette invention israélienne très spécifique, réside dans sa simplicité et son caractère basique. Tout est misé sur l’efficience, avec une nécessité d’adaptation qui s’apparente à un jeu, plus ouvert, qui colle bien à ce que recherchent les gens. Nous ne sommes pas dans la répétition pointilleuse de chaque détail comme de la boxe anglaise, ni dans l’importance suprême des contrôles du jujitsu, qui m’ont apporté une vision plus large qui m’est utile pour mieux transmettre.

Quelle est votre spécialité ?

En krav-maga, il faut être complet ! Je ne peux donc pas parler de spécialité particulière, même si j’attache beaucoup d’importance au travail de la position du corps avant la frappe. La prise d’appuis et la quête d’équilibre sont des essentiels sans quoi rien n’est productif. Par ailleurs, ayant été « élevé » au krav-maga par Eli Avikzar, premier ceinture noire de l’histoire qui a tout appris aux côtés du fondateur Imi Lichtenfeld, je suis plutôt bien au fait de l’histoire de notre pratique, et c’est toujours un plaisir de pouvoir rappeler nos racines.

Que faut-il finalement retenir du krav-maga ?

Il s’agit d’une méthode simple qui peut vous accompagner toute votre vie, comme le démontre encore, à plus de quatre-vingt-dix ans Oscar Klein, élève direct d’Imi et qui vient encore s’entraîner. Il doit certes porter sa jambe avant avec ses bras pour se mettre en position (il mime), mais, derrière, ça envoie encore ! Débuter le krav-maga, c’est aussi intégrer une communauté. L’entraide et le soutien y sont permanents. Vous ne serez jamais seul au krav-maga, et c’est un atout fort qui aide à redonner confiance aux gens. En collaborant avec un hôpital psychiatrique auprès de femmes victimes de violences sexuelles, j’observe au quotidien les bénéfices de notre pratique. Dans mon institut, où un tiers de mes élèves sont des femmes, ça change également leur vie de savoir se défendre. Elles sont en paix.

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