
Patrick Karam : «Le karaté français me trouvera toujours à ses côtés»
Le vice président du Conseil régional d’Ile-de-France en charge des sports, des loisirs, de la jeunesse, de la citoyenneté et de la vie associative est peut-être le premier défenseur du karaté en Ile-de-France, acteur majeur du financement et de la promotion du sport. Patrick Karam explique son rôle et assure avec des mots très forts son soutien sans faille au karaté français.
Quel est votre rôle et le lien de l’Ile-de-France avec le karaté ?
La jeunesse, la vie associative, la citoyenneté… tous ces thèmes sociétaux dont j’ai la responsabilité sont ouverts et certaines disciplines sont à la croisée de ces enjeux cruciaux. C’est le cas du karaté. Nous avions d’ailleurs entamé un travail avec la Fédération Française de Karaté pour favoriser le développement de la pratique féminine notamment dans les quartiers populaires, il s’agissait d’un dossier suivi par Laurence Fischer avant qu’elle ne devienne ambassadeur pour le sport sous l’égide de l’ONU. Sur le plan sportif, notre rôle est d’aider la ligue à aider les clubs et les pratiquants de la façon la plus efficace possible. Nous avons bien sûr un fonctionnement pluriannuel pour le financement global de l’activité à travers la ligue, mais nous avons aussi tissé un lien plus étroit de partenariat avec vingt-cinq grands sports comme le football, le rugby, le judo, le basket ainsi que le karaté. Ce partenariat est très important. Je ne donnerai qu’un chiffre : de 2017 à 2019, nous avons soutenu le karaté à hauteur de 1,6 millions d’euros en fonctionnement et en investissement, notamment pour la rénovation et la construction de salles. Le fonctionnement ? Ce sont les opérations de soutien au développement de la pratique au niveau de la ligue et de la fédération, de la formation des bénévoles, des éducateurs, des arbitres mais également le financement des événements sportifs.
En novembre 2019, à l’occasion des Victoires Sportives de la Région Ile-de-France, cérémonie qui permet de mettre à l’honneur nos sportifs ayant brillé sur les scènes nationale et internationale, nous avons décerné le prix du jury à la Fédération Française et à la ligue Ile-de-France de Karaté. Par ailleurs, les deux karatékas Alexandra Recchia et Marvin Garin bénéficient de l’aide financière accordée à nos ambassadeurs du sport, des athlètes franciliens de haut niveau sélectionnés aux Jeux olympiques et paralympiques de Rio 2016 et PyeongChang 2018. Ils sont chargés de promouvoir les valeurs du sport, de l’olympisme et du paralympisme auprès des lycéens, des apprentis et des étudiants franciliens.
Cette année encore, nous serons aux côtés du karaté, et nous continuerons à soutenir les maires souhaitant rénover leurs équipements, en échange de ce financement nous exigeons un club résident et nous demandons aux maires et aux clubs de favoriser le développement de la pratique féminine et celle des personnes en situation de handicap. En 2019, tous sports confondus nous avons financé 329 équipements contre 13 équipements financés en 2015 par la précédente mandature.

L’Ile-de-France accorde donc une importance majeure au sport…
Nous sommes aussi novateurs pour aider directement les acteurs du sport en Ile-de-France. Par exemple, nous avons encore renforcé le soutien aux « clubs premium », les clubs formateurs, mais nous lançons aussi le dispositif des « chèques sport », un moyen concret, simple, et rapide d’aider directement les petits clubs, souvent un peu livrés à eux-mêmes, avec des montants de 400€ à 600€ en moyenne, pour éviter aux présidents de mettre de leur poche. Via ce dispositif, nous entendons accompagner 4000 clubs en 2020, soit 20% des clubs d’Ile-de-France. Il y a en effet 19 300 clubs de sports en Ile-de-France, 2,4 millions de licenciés. C’est une priorité pour nous, pour Valérie Pécresse qui en fait un axe majeur de sa politique. La société ne remercie pas assez le sport, et notamment le sport amateur, à travers ses bénévoles, de ce qu’il fait pour elle. Le sport est le dernier grand réseau structuré qui tient l’Ile-de-France, un territoire fracturé, il faut en avoir conscience. Nous voulons aussi mettre en place un nouveau dispositif révolutionnaire pour le haut niveau qui concernera les athlètes inscrits sur les listes, les karatékas en feront partie même s’ils ne sont plus concernés par les Jeux de Paris, soit environ sept cents à huit cents personnes, pour leur obtenir une bourse avec la responsabilité pour eux de suivre un cursus de formation adaptée, lequel sera payé intégralement par la Région. Au bout de ce processus, nous souhaitons qu’un emploi les attende. Nous discutons avec le Ministère de la formation professionnelle pour savoir s’il va nous accompagner sur ce projet, mais quoi qu’il en soit, nous le ferons. Nous avons financé l’Open de Paris à hauteur de 50 000 € en 2019, une somme qui a été reconduite en 2020 et qui sera complétée d’une subvention de 200 000 € pour le TQO, soit le maximum possible. Quant au CREPS qui accueille différents polistes du karaté, nous avons engagé un plan d’investissement de 32 millions d’euros pour la performance sportive en sus des 4 millions que la Région lui a consacré les années précédentes.
Pourquoi cette attention particulière pour le karaté, qui n’a pas été retenu comme sport olympique pour Paris 2024 ?
Nous avons besoin d’une vision particulière pour le karaté qui joue un rôle social unique avec ses valeurs martiales, une culture globale qui aide les jeunes les plus fragiles à rester ou à revenir dans le droit chemin. Il a un rôle décisif dans la mixité sous toutes ses formes. Je regrette vraiment qu’il ne soit pas à Paris en 2024. Pour obtenir des médailles, ce que cherchent toutes les villes organisatrices, cette discipline était la mieux placée, étant donné le statut du karaté français à l’international. Je siège au conseil d’administration du COJO (Comité d’Organisation des Jeux olympiques) et je tiens à dire que la décision n’est pas passée par ce conseil. Ce n’était pas la bonne façon de faire pour une décision si importante. Nous finançons à hauteur de 230 millions d’euros les JOP (Jeux olympiques et paralympiques) pour lesquels nous avons dégagé des budgets supplémentaires. La moindre des choses aurait été de nous consulter. Dans ce cas, il est évident que l’Ile-de-France aurait soutenu le karaté. Nous avons été mis devant le fait accompli.

Vous êtes vous-même un ancien pratiquant de karaté…
Je traite toutes les disciplines sportives sur le même plan dans le cadre de mes fonctions évidemment. Mais oui, si nous abordons les choses sur un plan plus personnel, je peux dire que le karaté a été très important pour moi. J’ai pratiqué beaucoup de sports plus jeune et j’ai même eu quelques titres en natation, mais c’est en karaté que je me suis stabilisé avec notre sensei Max Dorville en Guadeloupe, au point de devenir vice-champion senior de Guadeloupe alors que j’étais encore junior et que j’étais à dix kilos en dessous de la catégorie ! Par la suite, mon père a insisté pour que je privilégie mes études, et il a eu raison. Mais c’est au karaté que j’ai abordé l’école de soi qu’est la pratique martiale. Dans ma vie, j’ai été confronté à des moments de grand danger sur les théâtres de guerre de toute la planète, au Liban, en Tchétchénie, en Abkhazie, dans le Haut-Karabagh, en Yougoslavie et ailleurs, notamment comme Président de l’Union des Jeunes Européens. J’ai subi des bombardements, des tirs de sniper, j’ai vu des gens apparemment solides s’affoler ou perdre le contrôle d’eux-mêmes. J’ai pu mesurer à quel point le karaté m’avait été bénéfique, et avait modelé mon caractère pour résister à la pression, réagir de façon juste et rapide. Et sans même parler de ces situations extraordinaires, dans la vie quotidienne avec les objectifs que je m’étais fixés, c’est cette pratique qui m’a aidé à trouver le niveau de concentration, de lucidité nécessaire pour être à la hauteur. Il m’a aussi fait comprendre très tôt, notamment à travers le regard sourcilleux de Max Dorville, à quel point il fallait être exemplaire dans son propre parcours pour entraîner les autres. Je sais d’expérience que le karaté est une discipline forte et utile tout au long de sa vie et je souhaite que le plus de gens possible puissent en profiter. Je veux dire ici mon amitié et mon soutien indéfectible à Francis Didier et au karaté français et leur dire qu’ils pourront toujours me compter à leurs côtés.
*Patrick Karam est par ailleurs l’auteur d’ouvrages de géopolitique :
1991 : Patrick Karam, La Journée des dupes ou le Samedi syrien : Les Non-dits de l’affaire Aoun
1995 : Patrick Karam et Thibaut Mourgues, Les Guerres du Caucase : Des tsars à la Tchétchénie
1996 : Patrick Karam, Le Retour de l’Islam dans l’ex-empire russe : Allah après Lénine
1998 : nouvelle éd. : Patrick Karam, Allah après Lénine : La Revanche de l’Islam dans l’ex-Empire russe
2002 : Patrick Karam, Asie centrale, le nouveau grand jeu : L’Après-11 septembre
2002 : participation à Antoine Sfeir (dir.), Dictionnaire mondial de l’islamisme
2004 : Français d’outremer : Dossier sur une discrimination occultée