
Paroles de profs : comment aborder la compétition
S’entraîner, se fixer des objectifs, avec un calendrier et des perspectives… Comment motiver ses (jeunes) troupes, quelles sont les clés pour maintenir une dynamique positive, trouver des leviers de progression dans la compétition. Nous avons posé la question à six professeurs croisés autour des aires de combat ces dernières semaines. Des témoignages à retrouver cette semaine en deux volets.
Sébastien Castro Moreno, 3e dan, Stade Poitevin Karaté Poitiers (Vienne)
« Les amener à s’approprier le champ technique »
« Je suis professeur depuis 2015 au sein de ce club fondé il y a une quarantaine d’années. Nous sommes la plus grosse structure de Poitou-Charentes en termes de licenciés, quelque 250 actuellement, et dans les tout premiers en ligue Nouvelle Aquitaine. Notre ADN ? La formation. Ma philosophie ? Laisser une vraie liberté technique aux enfants. Je leur propose un cadre global en insistant sur le fait de se l’approprier pour construire leurs attaques en fonction de leurs qualités. Sur l’organisation de l’entraînement, ma stratégie est de leur faire travailler la technique et la tactique au club évidemment avant de sortir deux fois par mois sur des compétitions ou des stages nationaux. Je fonctionne par blocs : avec la reprise début septembre, cet Open Noris* (le club y a obtenu trois médailles Monica Arzumian, cadette -47kg, Anne-Coralie Keita, cadette +60kg et Tino Mathis cadet -52kg, NDLR) n’était qu’une étape vers la finalité de ce premier bloc de la saison, à savoir la Youth League de Venise en Italie, qui aura lieu mi-décembre. Nous avons décidé que chaque fin de bloc serait un événement international, comme une récompense pour le travail fourni et les résultats obtenus. »
Johan Guet, 3e dan, Impact Karaté 31 (Haute Garonne)
« Que chacun atteigne son meilleur »
« Implanté à Boussens, un village de mille habitants situé au sud-est de Toulouse, nous sommes un club rural. Ce qui ne nous pas empêchés de prendre une orientation résolument compétition. Pourquoi cette orientation ? J’ai moi-même appris le karaté du côté de Marseille, côtoyant Alexandre Biamonti et admirant les Ludovic Cacheux ou Rafael Aghayev. Quand je suis devenu professeur, j’ai décidé que je voulais faire rêver les enfants, qu’ils se fixent pour objectif d’atteindre leur meilleur niveau. Depuis cinq ans, nous avons ainsi mis en place une structure de performance avec le soutien de deux kinésithérapeutes, des aménagements d’horaires pour nos compétiteurs qui peuvent s’entraîner tous les jours de 17h à 21h, en la renforçant dès que nous le pouvons. Nous nous sommes, par exemple, rapprochés d’Ibrahim Gary pour l’aspect préparation mentale, débloquer certaines choses qui servent aussi dans la vie quotidienne et à l’école d’ailleurs et d’un préparateur physique pour préparer parfaitement dans nos jeunes, en nous appuyant sur une expertise que nous n’avons pas. Notre projet passe aussi par la participation à de nombreuses Youth League, à Berlin, au Luxembourg ou début juillet à Chypre et en Croatie. Une planification qui coûte évidemment cher ! Si nous avons le soutien de deux entreprises locales et des subventions des collectivités, nous organisons dès que nous le pouvons des évènements afin de récolter de l’argent : loto du club, etc. Mais la meilleure récompense, collective, c’est de voir notre club de village concurrencer des grosses structures comme Saint-Michel, Sarcelles ou Thiais… Sans doute une preuve que nous sommes sur le bon chemin. »
Jean-Pierre Dufrenoy, 6e dan, Dojo Fudo Shin Vitrolles (Bouches-du-Rhône)
« Un travail spécifique sur les minimes »
« Depuis la reprise possible dans les clubs, j’ai décidé de mettre en place trois séances individualisées avec les quatre minimes de mon club : deux filles et deux garçons, dont Ruben Rocca, notre -55kg qui a performé récemment à l’Open Noris. Cette victoire est le premier fruit, du moins je l’espère, de ce choix. Si nous avons coupé trois semaines pendant les vacances d’été, la date de cette compétition très bien organisée et d’un excellent niveau d’ailleurs, nous a poussés à ne pas arrêter complètement juillet et août car nous aurions alors perdu le bénéfice de tout le travail effectué en amont. Dans notre club omnisports de quatre-vingts licenciés, nous accueillons deux fois par mois Jean-Pierre Lavorato, nous proposons du tai chi chuan, du qi gong et plusieurs autres disciplines pour un total de trois cents adhérents. Mon credo ? Un très gros travail de jambes associé à un travail technique personnalisé. Quand un garçon comme Ruben gagne tous ses combats sur des coups de pied, ce n’est pas vraiment un hasard ! Avec lui particulièrement, nous nous sommes entraînés pendant le confinement, dehors, dans son garage. Un exercice mental autant que physique et technique – nous ne savions pas quand tout allait pouvoir reprendre, qui a nous a marqués, nous a soudés. Nous en garderons des souvenirs longtemps. »