
Nouveaux caps pour le para-karaté
Le karaté a depuis longtemps pris la mesure de ce qu’il pouvait apporter au public en situation en handicap, et ce que les pratiquants étaient en mesure de lui apporter en retour.
Il y a quelques jours, la journée « Un tatami pour tous » a une nouvelle fois souligné combien le sujet de l’accès à la pratique pour tous est l’un de ceux qui comptent pour le karaté français, et surtout comment clubs et territoires s’organisent pour accueillir les pratiquants dans les meilleures conditions. Une expertise à partager pour des perspectives toujours plus intéressantes.
Convié à la table ronde organisée par la Fédération Française de Karaté le 18 février dernier, Michel Greco possède dix ans d’expérience dans son club de Nice auprès du public en situation de handicap. Ils sont désormais près d’une vingtaine sur le tapis chaque semaine, porteurs de différents handicaps. Ce Gersois d’origine, dont le club Lutador Boxing est orienté full-contact et dont l’emblème porte la mention para-karaté, raconte. « Tout a démarré suite à une rencontre avec un jeune garçon devenu hémiplégique suite à un accident de scooter. David Coxo voulait devenir mon assistant, je lui ai proposé que l’on ouvre ensemble une section para-karaté contact. Il est toujours au club, impliqué et nous avons du monde sur nos créneaux du mardi et du jeudi. Ils précèdent celui du full-contact valide. De quoi créer des rencontres pour les premiers, changer le regard et apprendre sur le handicap pour les autres… et créer un esprit club très fort. » Au fil des années, une équipe de bénévoles, dont certains handicapés, ont fait le tour des IME (Instituts médicaux Educatifs) de la région. « Chacun fait son parcours, nous échangeons beaucoup, mais c’est souvent bluffant de voir les gens changer, même au niveau médical : ces élèves sur le tapis sont des gens qui vont mieux dans leur vie. »

« Le bénéfice est bien plus élevé que le risque »
Guillaume Di Giovanni, kinésithérapeute de l’équipe de France para-karaté depuis quelques semaines confirme. « Certains hésitent encore à se lancer, pensant que ce n’est pas possible, que ce n’est pas pour eux, alors que la pratique sportive est, au contraire, amplement compatible avec le handicap, la stimulation ou la rééducation motrices. Il s’agit même d’un processus de continuité par rapport à ce qui est fait en cabinet. Le karaté, comme nous l’avons rappelé lors de cet événement “Un tatami pour tous” où les animations ont été un moment très important, comme une démonstration évidente du champ des possibles, est un formidable outil d’intégration de ce corps qui fait parfois défaut, contre lequel on a même pu être en colère. Apprendre à le connaître, prendre confiance en soi… Pratiquer, c’est beaucoup plus que se dépenser. Les freins ? Ils se jouent surtout sur l’accompagnement. Il faut avoir ou créer un environnement favorable, capable d’accompagner le projet y compris sur le plan pratique, pour amener au dojo des personnes qui ont souvent des problèmes d’autonomie dans les déplacements. Mais je le dis : souvent, on ignore ses propres capacités. Or, le sport peut servir de révélateur et ce que l’on redoute – la perte d’équilibre, la peur de la chute… – est souvent vite balayé par l’activité physique. Pour celles et ceux qui en doutent encore : on a plus de capacité qu’on ne le croit et le bénéfice est plus élevé que le risque que l’on prend à essayer de pratiquer. »

Intégré au projet sportif fédéral
Si points de vue et expériences significatives doivent permettre aux clubs qui s’interrogent encore, non sur leur volonté d’accueillir, mais sur leur capacité à le faire dans les meilleures conditions, Séverine Busson et le Kraken Boxing Club (Essonne) dont elle est présidente, font figure de pionniers. « C’est dans l’ADN du club, orienté full-contact, que nous avons créé il y a neuf ans : la pratique pour tous, l’occasion d’ailleurs de rappeler que 80 % des handicaps sont invisibles… Nous avons choisi, non d’attendre un public porteur de handicap, mais d’aller directement à la rencontre des institutions : IME, ESAT, hôpitaux du territoire… pour des séances directement dans ces structures, avec un encadrement humain important. Puis, elles se sont passées le mot et, neuf ans plus tard, ce sont elles qui nous sollicitent. Nous travaillons ainsi avec sept structures adaptées en Essonne, en partenariat avec les comités départementaux de la FF Handisport, de la FF Sport Adapté et APF France Handicap et évidemment avec la Fédération Française de Karaté. Notre fédération, c’est significatif quant à la prise en compte du sujet, a intégré le handicap au projet sportif fédéral, ce qui signifie appuis, contacts, financements de projets dans le cadre de l’ANS… ».
Un « modèle » et une expérience à partager pour ce club et sa section para-karaté qui mise sur des jeunes en situation de décrochage scolaire pour encadrer, se former – via des BPJEPS notamment, et encadrer le cours intergénérationnel du mardi qui mêle des 11-13 ans issus d’IME à des personnes en Ehpad. Certains d’entre eux feront le voyage jusqu’en Bourgogne, dans quinze jours, à l’occasion de la coupe de France para-karaté contact organisée à Chevigny-Saint-Sauveur. « Cette troisième édition sera une nouvelle étape, relève Michel Greco, qui prévoit d’y amener une dizaine d’élèves. Pour se confronter, découvrir que d’autres pratiquants, partout en France, ont fait cette démarche, s’entraînent, progressent. Pour les moins expérimentés, il s’agira de montrer que tout cela leur est accessible, notamment grâce à cette formule avec sept catégories qui permettent à tous les handicaps de s’exprimer, que ce soit en combat ou en expression technique*. C’est une aventure humaine, qui va au-delà de l’apprentissage, de l’engagement, de celle qui permettent de faire tomber de nouvelles barrières. »
*Coupe de France para-karaté contact, 11 mars à Chevigny-Saint-Sauveur (Côte d’Or), au lendemain des championnats de France de karaté contact. Sept catégories de handicap : moteur fauteuil fixe, moteur fauteuil déplacement, moteur debout, mental, psychique, sensoriel, visuel.