
Le para-karaté passe les caps
La FFK officiellement délégataire de la pratique handi depuis janvier 2017, le développement du para-karaté (handicap mental, moteur, malvoyant, fauteuil) est l’un des axes de développement fort voulu par la direction technique nationale de la FFK. Un travail de très longue haleine, jalonné par de belles performances sportives à l’international avec (surtout), une vraie accélération de la pratique cette saison à travers les formations nationales auxquelles plusieurs dizaines de professeurs ont répondu présents.
Responsable de la commission para-karaté à la fédération, Alain Georgeon, ne ménage pas ses efforts depuis plus d’une décennie. « Si nous estimons entre quatre et cinq cents le nombre total de licenciés handicapés au sein de la fédération, nous n’avons pas de chiffres très précis. En effet, trop de clubs, lorsqu’ils inscrivent ces licenciés sur le site de la fédération ne cochent pas le code « para ». Cela fausse les statistiques. Du coup, une meilleure communication auprès des clubs sur ce point est pour nous une priorité. Parmi les chantiers, nous sommes aussi attentifs aux problèmes logistiques, notamment d’accessibilité aux dojos pour les karatékas en fauteuil, et il y a encore un long chemin pour contribuer à faire changer le regard porté sur le handicap, en particulier mental. » Reste que la pratique handicapée fait son chemin. Comme l’a notamment démontré la présence de professeurs lors des dernières formations sur la pratique handicapée. Dont un stage national dirigé par Alain Georgeon lors duquel ont été évoqués de nombreux sujets. « Nous avons abordé théorie et pratique, témoigne Michel Greco, 3e dan, professeur à Nice et référent pour la ligue PACA. Théorie avec toute la réglementation concernant les normes d’accueil des handicapés, le règlement national et surtout international, la pédagogie à adopter avec chaque type de handicap, la pratique, avec des mises en situation en fauteuil. Ainsi, beaucoup de professeurs présents pensaient qu’il fallait, comme les valides, effectuer un échauffement pour ces karatékas. Or, leurs bras sont déjà « chauds » en arrivant au dojo puisqu’ils les utilisent en permanence. Ainsi, on a vu qu’un début de cours pertinent pour cette population sera plus basé sur des étirements et des exercices techniques souples ».
Compétition et démonstration comme axe de développement
Nommée coordinatrice pour la promotion du para-karaté en 2018, Cécile Limier, 6e dan et professeur à Six-Fours, revient sur la démarche entreprise en concertation avec Michel Greco, pour la ligue PACA : « En mars 2018 nous avons tout d’abord construit et envoyé un questionnaire à tous les clubs de la ligue pour connaître leurs besoins et leurs difficultés. Sur les quatre cents clubs, moins de dix pourcents ont répondu, ce qui, en soi, nous a déjà donné deux informations : les questions et besoins de ceux qui ont répondu… et le gros travail à faire pour susciter l’intérêt des clubs et professeurs. Ensuite, nous avons décidé, pour cette saison, d’intégrer les compétitions para aux championnats de ligue valides combat comme kata, d’informer les clubs de toutes nos actions via les réseaux sociaux et surtout d’organiser de nombreuses démonstrations à travers la ligue. Enfin, Michel Greco est intervenu dans le cadre du DIF, afin de sensibiliser les futurs professeurs au handicap dans le karaté ». Le bilan ? L’avenir permettra de l’affiner encore, mais il est plus que positif puisque le championnat PACA a regroupé pas moins de trente combattants et qu’au total quinze actions spécifiques ont été menées sur la saison écoulée dans des foyers d’aide médicalisée, des EHPAD, des IME ou lors d’évènements tels que Tous en fauteuil, le 25 mai dernier à Nice. « Cela a eu des effets bénéfiques collatéraux, explique Cécile Limier. En faisant cohabiter les valides et les pratiquants handicapés, le regard a déjà sans doute un peu évolué, pour le public notamment ». Michel Greco, qui compte une section d’une vingtaine de karatékas handicapés dans son club de LutaSport Boxing, dont un champion de France 2019 en fauteuil, Frédéric Guigonis, confirme : « Ces derniers veulent être considérés comme de vrais combattants qui ne sont pas là simplement pour participer et recevoir une médaille même s’ils ont perdu. Je crois que cet état d’esprit est de plus en plus pris en compte, y compris par les valides ».
Toujours plus de participants
Ainsi, derrière les fers de lance Jordan Fonteney, Virginie Ballario, Fatah Sebbak ou encore Charlène Odin qui ont porté haut les couleurs de l’équipe de France ces dernières années, c’est un travail de fond qu’il faut lire, une excellente nouvelle pour l’ensemble de la discipline. Comme le confirme Alain Georgeon qui se réjouit de la participation croissante aux championnats de France : « Nous avions trente-six combattants lors de la dernière édition qui se déroulait à Coubertin en même temps que les championnats de France kata vétérans kata, contre vingt-quatre l’année dernière à Reims, c’est significatif, précise celui qui est aussi président du comité départemental de Charente-Maritime et enseigne dans son club de Saujon. « Après les quatre médailles lors des derniers championnats d’Europe à Guadalajara (Espagne) dont une d’or avec Charlotte Odin et trois de bronze, cela donne du rayonnement à la pratique para. C’est également vrai à, l’échelle mondiale d’ailleurs : il y avait quarante participants aux championnats du monde à Brême il y a six ans. Ils étaient 120, fin 2018, à Madrid ! ».
Para/valides à tous les étages
L’objectif est de créer un cercle vertueux. Parmi les actions mises en place cette saison, figure ainsi le stage qui a eu lieu lors du week-end de Pâques à Castelnau-le-Lez avec une labellisation pour les clubs présents. Deux seront aussi organisés la saison prochaine, un en Bretagne et un à Paris. Les autres objectifs ? Nommer des référents dans les treize ligues, avec la mise en place de compétitions régionales et proposer lors des formations de professeurs un temps spécifique à l’enseignement aux handicapés. Enfin, l’organisation des championnats de France sur Paris, pour des raisons logistiques et ce souci permanent d’inclusion sera greffée à une compétition « valides » entre mars et juin. Une pratique qui doit beaucoup à l’appui du directeur technique national, Dominique Charré : « Depuis son arrivée, il y a eu une vraie accélération du développement para-karaté. Il est très impliqué, il nous aide à la fois à la diffusion plus rapide de l’information aux clubs et aux OTD, mais aussi, c’est fondamental, au niveau budgétaire, notamment pour pouvoir mettre en place les compétitions nationales et internationales dans les meilleures conditions. » Des signes concrets de structuration par le haut mais qui existent aussi et surtout de plus « par le bas ».
Photo : Denis Boulanger / FFK