
Francis Didier : « Ouvrir des possibilités aux clubs »
Depuis trois ans, la FFKaraté propose le « karaté mix » et fait partie de la liste des fédérations qui se proposent d’encadrer le « MMA » que le ministère des Sports a annoncé vouloir légaliser en France. Francis Didier, président de la Fédération, nous éclaire sur cette évolution.
Quel est le sens de la candidature de la FFKaraté à l’organisation du MMA français ?
En France, on fait souvent un mauvais amalgame concernant le MMA. On voit tout de suite les combats professionnels organisés dans des cages, sans mesurer que la pratique réelle est une pratique de club selon des modalités spécifiques, à l’américaine, qui séduisent un public. Je suis allé voir par moi-même dans les structures américaines, en observant ceux qui venaient là. Ce sont des structures qui fonctionnent un peu comme des « box » de crossfit, avec des ateliers. Pour un pratiquant de budo comme nous l’entendons, cela paraît très désorganisé mais, à la fin, le pratiquant a fait de la sudation, de la musculation, un peu de self-défense et il est satisfait de sa séance. Celui-là ne sera jamais concerné par les combats en cage, et il a travaillé dans l’esprit qui lui convient.
Il est donc ici question d’ouverture…
La fédération a toujours été une fédération plurielle, au sein de laquelle les clubs ont l’habitude de mutualiser et de diversifier les pratiques. Il y a des échanges et ce phénomène s’amplifie. La différence du MMA avec la pratique traditionnelle, au niveau de la pratique de club, c’est qu’il y a moins de rituels et de codes au démarrage. Comme pour l’apprentissage de la guitare, il y a la méthode classique (très codifiée), dans laquelle vous mettrez de longs mois à simplement vous mettre en place – comme dans l’apprentissage traditionnel du karaté, avec nos rituels, nos exigences posturales, notre culture de la pratique – et la méthode moderne, où vous commencez en grattant trois accords et vous vous amusez tout de suite. Le mode d’entrée est différent, mais l’objectif final est le même : progresser et s’approcher le plus possible d’une perfection. De ce point de vue, il n’y a pas de méthode meilleure qu’une autre. Et ma responsabilité, c’est d’offrir une opportunité aux structures de renforcer la vie de club avec une variété de propositions, des options différentes mais avec le même objectif final.
Le MMA n’est-il pas loin de la mentalité du karaté ?
Franchement, Il n’y a rien de nouveau. Bien sûr, dans la plupart des approches du karaté martial, il n’y a que peu, ou pas, de sol, mais on sait balayer et enchaîner une frappe, faire des clés… Et le karaté kempo travaille dans cet esprit depuis très longtemps. Je ne suis pas partisan d’interdire ce que les gens veulent pratiquer, ce qui les intéresse. Au contraire, il ne faut pas avoir peur, ne pas s’enfermer. En 1976, au club, alors que les esprits s’échauffaient autour du « full-contact », nous faisions déjà la fusion, on travaillait ensemble. Cela oblige à réfléchir, à mieux se définir et à travailler sur nos points forts et nos points faibles. C’est sain. Et de toute façon nous avons déjà le karaté mix qui est déjà dans cette perspective.
Quel état des lieux faites-vous de cette pratique d’ailleurs ?
Depuis trois ans, Loïc Marty, un karatéka qui a une expérience anglo-saxonne du « combat libre », organise au sein de la FFKaraté des stages dans toute la France et a largement contribué à mettre en place cette forme de pratique. Il propose essentiellement un tronc commun technique pour adapter les gestes techniques déjà acquis à l’esprit du « Mix », ainsi qu’une compétition très ouverte avec de la frappe pieds-poings qui peut se continuer au sol avec une recherche de soumission. Cela fait désormais trois ans qu’on le propose, il n’y a jamais eu d’accident et la fréquentation est exponentielle. Allez voir ce week-end (le 15 juin) à la Halle Carpentier le tout nouvel Open de France de karaté mix, cela vaut le coup.
Si le karaté mix est déjà une proposition de la FFKaraté, le MMA ne viendrait-il pas faire doublon ?
Nous démontrons que cet aspect de la pratique nous est familier. Maintenant, c’est au ministère de dire ce qu’il veut faire de l’organisation des compétitions professionnelles mais, pour le reste, nous pouvons le faire facilement. Le karaté mix est une proposition réussie d’organisation et de mise en place d’un règlement, et c’est aussi une déclaration de déontologie. La question de la labellisation n’est pas essentielle. On verra s’il convient ou non de changer de nom en fonction des décisions prises, mais nous n’en sommes pas là.
Photos Denis Boulanger / FFKaraté