
France vétérans : le sens de la compétition
Venue en nombre participer ce week-end aux championnats de France organisés au Grand Dôme de Villebon, la population vétéran a de nouveau montré son dynamisme.
Ils n’auraient manqué cela pour rien au monde, même en ce week-end prolongé de la Pentecôte. « Ces championnats ? Cela ne se rate pas ! » Tel pourrait être le slogan de cet incontournable du calendrier. Un sentiment général, sincère et explicite qui se dégage de tous les échanges avec nombre de participants, même si celui-ci recouvre des réalités différentes. Participer oui, mais pourquoi ? Les motivations sont multiples, les parcours différents, mais un mot revient à condenser les ressentis : d’abord le plaisir ! Un sentiment, qui, c’est une première leçon de ces championnats, essaime de plus en plus parmi cette population des trente-cinq ans et plus : « nous avons eu au total quatre-cent-trente-cinq participants sur le week-end, détaille Véronique Bourban, responsable du service compétition au sein de la fédération et présente à Villebon en tant que responsable de l’événement. Le samedi était consacré à la compétition combat où il y eut cinquante féminines et deux-cent onze masculins. Pour la compétition kata du dimanche, nous avons recensé soixante-dix compétitrices et cent-deux compétiteurs. En 2022, le nombre total de participants était de trois cent quatre-vingts. L’augmentation de 15 % est donc significative. » Une croissance nette. Attendue et satisfaisante aussi. « Cette participation en forte hausse s’inscrit dans une tendance observée depuis le début de la saison, poursuit-elle. La principale explication tient sans doute au fait que les contraintes liées au covid ont définitivement disparu depuis septembre 2022. On se rend encore plus compte, du coup, que l’envie de compétition est toujours aussi puissante chez les plus la population adulte en général. »
Prendre du plaisir
Une envie puissante ? Indéniablement, même si celle-ci prend plusieurs aspects.
Il y a d’abord chez certains, une forme de plaisir individuel à laquelle se mêle parfois de manière complémentaire une volonté d’exemplarité. Comme pour Jean-Marie Boblique, sixième dan, soixante-seize ans et directeur technique de l’Amicale Jamin de Reims, dans la Marne. « Le travail avec mes élèves en ce moment consiste essentiellement à la préparation des grades. Mon rôle en tant qu’éducateur est de pratiquer le karaté pour les autres. Un aspect de la discipline que j’ai choisi il y a de nombreuses années et qui me comble. Mais la mise en place des compétitions vétérans et de ces championnats de France m’a donné la possibilité de vivre une expérience globale, pour moi. Gagner ou perdre n’a pas d’importance car je considère ce moment comme un jeu et une récompense. Mais se confronter, ça, c’est important. » Vainqueur chez les V4 dans la catégorie des -84kg ce week-end, comme c’est le cas depuis 2016, il poursuit : « si je participe, c’est également pour inciter mes jeunes élèves qui sont réticents à aller en compétition. Je leur explique que les cours hebdomadaires sont de l’apprentissage et de la révision. La compétition, elle, c’est le contrôle, et j’estime que cet aspect est indispensable à une vie de karatéka. Participer à ces championnats de France, c’est partager avec eux tout ce qui régit le fait d’être compétiteur : la préparation, le stress, la crainte d’une défaite ou les joies d’une victoire. »

Défi sportif
La compétition comme défi pour et face à soi-même. Une perspective qui guide Cécile Jousseaume. Victorieuse dans la catégorie des +68kg en V1, cette professeure au sein du Karaté Shotokan Cadours (Haute-Garonne) explique : « je suis une ancienne compétitrice et participer à cet événement relève pour moi du défi sportif. Ce que je recherche ? Retrouver l’adrénaline incomparable que procure la compétition. En tant que professeur, je peux m’entraîner avec mes élèves tous les soirs, alors autant en faire quelque chose, d’autant que le fait que mes deux enfants soient autonomes, me donne plus de liberté désormais ». Vice championne de France lors des deux dernières éditions, elle a été sacrée samedi dernier après trois combats. La clé du succès ? « Je me suis conditionnée mentalement à être relâchée et à avoir confiance en moi. Ce titre est à la fois une fierté et un aboutissement. » Une victoire couplée à celle de son mari dans la catégorie des -84kg chez les V1 qui aura fait de ce moment une journée parfaite pour cette arbitre nationale.
Se dépasser
Mais existe-t-il un dénominateur commun à tous les participants ? La réponse est oui, selon Sandrine et Rémi Barbarin, professeurs au sein du Dojo du Vercors à Cras (Isère), une structure aux quatre-vingt-quinze licenciés dans un village de quatre-cent-cinquante habitants ! Ce week-end, ils ont accompagné et coaché, à leur demande, des amis qui participaient pour la première fois. Une expérience sur laquelle cette deuxième dan et ce cinquième dan posent un regard distancié. « Il y a, chez les vétérans, une ambiance plus relâchée et bon enfant. Pourquoi ? Sans doute, parce que l’enjeu sportif n’est pas du tout du même ordre que les autres catégories d’âge : une victoire ou un podium n’ouvrent pas à des sélections internationales, à l’intégration de structures de haut niveau et/ou à l’équipe de France. L’enjeu se situe ailleurs, avec deux types de public : des néo-compétiteurs qui découvrent les ressorts si spécifiques de la compétition, et d’anciens compétiteurs qui doivent, eux, comprendre qu’ils repartent de zéro. Personne ne leur enlèvera leurs résultats passés, mais il est nécessaire de couper les liens avec sa première carrière. Selon nous, les compétitions vétérans – comme la compétition en général – permettent de s’accomplir personnellement en se dépassant. Mais avec une configuration bien spécifique puisque les contraintes sont particulières : ne pas se blesser par exemple, puisque cela peut avoir un impact significatif sur sa vie professionnelle et se préparer en jonglant entre les obligations de sa vie professionnelle et familiale. Ce qui n’est pas une mince affaire (sourire). »

Un événement où la bonne humeur et la convivialité – liées aux raisons évoquées par Sandrine et Rémi – auront une nouvelle fois marqué toutes les personnes présentes. « Lorsqu’on nous a remis nos médailles, on dansait sur le podium au son de la musique », raconte le sourire aux lèvres Cécile Jousseaume. « Les vétérans sont solidaires et attentifs aux autres, ajoute Véronique Bourban. L’expression sportive, mais pas que, le bon message.