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Dans nos territoires – Ép. 3 : Karaté Angoulême Soyaux

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Figure tutélaire du karaté néo-aquitain, le directeur technique du club charentais, Christian Campot, a fait du Karaté Angoulême Soyaux une référence régionale en termes de para-karaté.

Rencontrer Christian Campot, soixante-et-onze ans, quatrième dan, trésorier pendant huit ans de la ligue Poitou-Charentes avant d’en être pour la même durée président, est un moment presque intimidant. Directeur du club d’Angoulême Soyaux, cet ancien banquier, connu comme le loup blanc au sein du monde sportif angoumoisin et charentais, pourrait couler une retraite bien méritée. Il n’est en pourtant rien tant la passion qui l’anime frappe dès la discussion entamée. Son engagement ? Profond et désintéressé, en particulier vis-à-vis de pratiquants handicapés. Un credo dans lequel Christian Campot a décidé de s’investir à partir de 2011 pour ce qui est, désormais, une composante très forte de l’ADN de ce club de près de deux cents licenciés. « Nous avons signé une convention avec l’ADAPEI et le comité départemental de sport adapté il y a de cela douze ans. L’idée était de proposer une activité sportive à une population spécifique – les handicapés mentaux – avec la conviction que la pratique du karaté pouvait leur être bénéfique sur de multiples plans. Actuellement, je suis en relation avec quatre centres médico-sociaux du département (Ruffec, Sireuil, Magnac-sur-Touvre et Rouillac) pour des cours toutes les deux semaines, le lundi et le mercredi de 13h30 à 15h30 avec soixante-dix personnes au total. À l’époque, nous étions le premier club à proposer du karaté à cette population dans le département. Et nous sommes d’ailleurs toujours les seuls, » glisse-t-il avec son franc-parler.
Coordinateur sportif du comité départemental du sport adapté, Mathieu Renier, en lien depuis de nombreuses années avec Christian Campot, ajoute : « Il faut bien comprendre que pour ces personnes, la principale difficulté tient d’abord dans la compréhension et la retenue des consignes. Il faut se représenter que 50 % d’entre eux ne distinguent pas sa droite de sa gauche. »


Travail de mémorisation

Une configuration qui a amené Christian Campot à développer une pédagogie spécifique avec, par exemple, un système de foulard de couleurs (bleu et rouge) pour distinguer chaque côté et ainsi mémoriser, outre sa droite de sa gauche, certains coups de poings par exemple. « Il est remarquablement ouvert, avec un excellent sens de l’humour », note Mathieu Rénier. « Quand j’arrive, ils sont déjà en karategi, sourit Christian Campot. Pour détendre l’atmosphère, j’aime souvent leur dire que je viens de chez le coiffeur (Christian Campot est chauve, NDLR). Pour moi, la clé est de les traiter comme des pratiquants ordinaires. Il y a tout de même un côté affectif beaucoup plus fort, et je vous le dis comme je le pense, ils sont souvent plus attachants que le public valide. »
Élève puis devenu son assistant, Denis Morisset symbolise la réussite remarquable de ce projet vis-à-vis du sport adapté. Handicapé lui-même suite à une encéphalite virale, il a débuté le karaté en 1995, pour devenir, comme il le raconte lui-même « à la fois pratiquant et assistant de Christian dès le début de l’aventure en 2011, alors que je suis deuxième dan depuis 2009. Quand je raconte mon parcours à ces élèves, je leur dis que j’étais comme eux au départ : la simple mémorisation était une gageure ! D’autant que le langage de notre discipline est dans une langue étrangère (sourire). Mais à force de répétition, et grâce à la pédagogie de Christian, les progrès ont été là. » Diplômé d’une attestation fédérale d’assistant depuis 2014, Denis Morisset poursuit : « Quand on parle de sport adapté, il faut prendre les mots au pied de la lettre. C’est nous qui nous adaptons aux élèves et à leurs difficultés. Pas l’inverse. Les deux mots clés ? Patience et simplicité. Par exemple, il faut bien comprendre que mettre son pied droit dans un cerceau puis le gauche dans un autre n’est pas un exercice trop facile pour eux. Les progrès sont très lents et demandent une patience d’ange et un vocabulaire très simple et direct. Utilisez les termes usuels et vous les perdez. »

Contrôle de soi et inclusion

« La pratique du karaté a de nombreuses vertus pour eux, explique Mathieu Rénier. Il y a d’abord et avant tout un bienfait physique. Il faut savoir que cette population handicapée connaît un taux de surpoids et d’obésité supérieur à la moyenne. Ensuite, cela leur permet à tous une meilleure maîtrise de leur corps, de leurs émotions – ceux qui participent aux séances de karaté sont comparativement plus calmes que leurs congénères, mais aussi du rapport à l’autre. Certains sont autistes et le contact est un vrai défi. Le karaté les aide beaucoup en cela. Enfin, ces séances sont une manière de les enrichir dans le domaine du lien social et de l’inclusion. Le club organise un repas collectif à chaque fin de saison et ils sont systématiquement invités. Pour eux qui sont habitués à peu sortir, ce genre de moments est un événement qu’ils ne louperaient pour rien au monde. »
Une formidable réussite d’éducation et d’inclusion par le karaté sur laquelle Christian Campot a surfé pour organiser, depuis plusieurs années, un stage annuel de découverte du karaté. « Avec Denis et les professeurs des clubs de La Rochefoucauld et Chauvigny (Vienne), nous convions une centaine d’adolescents, âgés de treize à seize ans, des établissements spécialisés de la Charente. Nous mettons en place quatre ateliers (poings, pieds, combats et ludique). » Un projet global remarqué dont les échos dépassent dorénavant le seul cadre institutionnel. « Des parents d’enfants handicapés hors structure me contactent désormais pour inscrire leurs enfants directement à mes cours. Depuis septembre, ils sont cinq à pratiquer avec les valides. Car le principal objectif est finalement bien là : le droit à l’indifférence. » Un pari d’ores et déjà gagné au club de karaté d’Angoulême Soyaux.

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