
Championnat de France des ligues : la magie des équipes
Ce week-end se tenait au Grand Dôme de Villebon-sur-Yvette le championnat de France des ligues régionales. Du kata et du combat, de minimes à seniors à travers trois épreuves. Et, au-delà des résultats, une histoire de dynamique des territoires et de collectifs.
Vingt-huit compétiteurs par délégation, des encadrants, élus et techniciens passionnés au diapason d’une compétition unique, treize ligues représentées dont La Réunion et la Martinique pour les Ultramarins, le championnat de France des ligues, dominé par l’Île-de-France sur le plan sportif, suscite beaucoup de passion. Abdel Achache, président de la ligue AURA sur les bords des tatamis avec deux autres élus et trois entraîneurs – Damien Dovy pour l’équipe masculine, Jean-Luc Bui pour l’équipe féminine et l’Isérois Sylvain Falco en renfort pour coacher l’équipe seniors – ne cache pas son enthousiasme. « C’est la compétition qui permet un regroupement de notre élite et de notre vivier de jeunes, sans empiéter sur les platebandes des clubs. Cela nous permet d’aller plus loin, de créer de la cohésion qui va au-delà du rassemblement mensuel du haut niveau régional. C’est vraiment un format unique qui permet d’apprendre à se reconnaître. La ligue prend tout en charge, dans une logique d’aventure collective, et même si cela reste un poste de dépense très important. D’ailleurs, nous envisageons un tournoi international, en Italie sans doute, sur le même principe. Sur le plan sportif, une finale (en seniors mixtes) et une troisième place (chez les féminines) viennent aussi donner le sourire à tout le monde, d’autant que nos combattants se sont inclinés avec peu de points d’écart. C’est important pour la confiance de se dire, pour elles et eux tous, qu’ils ne sont pas loin des meilleurs, qu’il y a une possibilité de s’exprimer, dans le cadre d’une compétition qui, il faut le dire, est organisée à la perfection. Un travail de l’ombre au service du karaté des territoires qu’il ne faut surtout pas oublier de remercier et qui valorise notre fédération. »
Message d’éducation
Emmenée notamment par son directeur technique Pierre Llaves et son président Pierre Delpeyroux, l’Occitanie a montré l’étendue de son potentiel samedi dernier, double finaliste chez les féminines et les masculins, les deux fois battue par la sélection Île-de-France. « Deux finales perdues certes, mais deux finales quand même, ce qui souligne notre beau potentiel », pose Pierre Delpeyroux. Un élu qui avoue s’être « complètement pris au jeu. Vraiment, nos Occitans nous ont rendus fiers, ils m’ont ému, je dois le dire. Représenter la croix occitane et la région – dans ce qu’elle a de pluriel évidemment car elle est vaste, ce qui ne rend pas toujours les choses simples – faisait partie du contrat, et je pense qu’il a été parfaitement rempli. Un lien fort s’est créé, j’ai senti beaucoup d’envie et de solidarité, chez les compétiteurs mais aussi chez les entraîneurs. Je crois aussi que c’était important que tous, notamment les plus jeunes, sentent que l’on vibrait à leurs côtés, qu’on était là pour leurs victoires comme pour leurs défaites. Cela permet de sortir de ma posture de président pour ce qui me concerne, tout en étant parfaitement dans mon rôle : encourager, soutenir, créer de la cohésion… » Un message posé en amont à tout le groupe dont témoigne aussi Pierre Llaves, le directeur technique de la ligue. « Nous avons expliqué que cette sélection représentait aussi tous ceux et celles qui étaient restés à la maison. Il s’agissait de s’en montrer digne. Dans notre société où l’individualisme a pris beaucoup de place, ce championnat par équipes est l’exemple de ce que le collectif peut apporter : vivre des choses incroyables ensemble, se forger des souvenirs à vie, développer ce lien d’appartenance, du partage, de l’échange autour des tapis… Et, en cela, je crois que nous sommes dans notre rôle d’éducation par le sport. »
©Aurélien Morissard
Un karaté très spectaculaire
C’est aussi avec l’œil de celui qui s’est engagé depuis longtemps sur le chemin de l’éducation par le karaté et des valeurs à transmettre que Raymond Ravassaud, emblématique président de la ligue de Bourgogne durant de longues années et désormais président du conseil des ligues régionales au sein de la FFKaraté, posait son analyse sur ce championnat de France pas comme les autres. « Un plaisir ! Je ne vois pas d’autre mot pour dire combien il est agréable de voir le karaté français, si dynamique, y compris dans son expression technique avec un karaté ouvert et très spectaculaire. Avec trente-quatre équipes engagées qui représentaient toutes ces ligues, certaines venues de loin comme la Martinique et La Réunion, c’était vraiment une très belle réunion de tous les territoires, du vivier du karaté français de demain en train de progresser. Je crois que tout le monde aime cette compétition parce qu’elle est très stimulante, notamment pour la province qui en fait, dans chaque ligue, un véritable projet. Les ligues jouent le jeu, les responsables régionaux sont là, pas dans les tribunes mais bien au plus près de leur équipe… J’y vois l’expression du meilleur du karaté français, avec un karaté total puisque combat et kata sont associés. »
« Pas anodin »
Avec une compétition de body karaté à Pont-à-Mousson, Jean-Luc Haas, président de la ligue Grand Est, n’a pas pu se dédoubler, mais les retours de son équipe technique sur place vont dans le même sens. « On reste dans l’esprit de compétition, on y va pour gagner évidemment, mais c’est aussi l’occasion de voir évoluer notre jeune élite, qu’elle soit de Lorraine, d’Alsace ou de Champagne-Ardenne et les deux médailles (bronze chez les masculins, bronze chez les seniors mixtes, NDLR) prennent évidemment du sens sur le plan collectif. » Quant à l’Île-de-France, avec trois titres sur trois possibles, elle a encore fait figure de Gargantua sur cette compétition. « Nous bénéficions d’un vivier très large, mais aussi de clubs et de professeurs qui travaillent très bien, pose Philippe Boulet, son président, accompagné le week-end dernier de ses deux entraîneurs de ligue, Jérémie Maruani et Kewin Ngoan, qui ont préparé la sélection. Les clubs jouent le jeu, beaucoup de professeurs étaient d’ailleurs présents dans les tribunes du Grand Dôme et cette cohésion a joué sur les résultats, notamment quand les combats étaient serrés. C’est important pour la ligue et le karaté francilien car nous avons le soutien de la Région Île-de-France et de son vice président chargé des sports Patrick Karam, qui suit de près les résultats du karaté dont il est passionné. Remporter ces titres est donc tout sauf anodin pour nous. »
© Aurélien Morissard
Porter les couleurs
Pour l’équipe de Martinique, encadrée par ses deux entraîneurs Pascal Virgal (kata) et Lionel Nitharum (combat), il s’agissait d’une première. « Nous envisagions depuis plusieurs années de participer, avec un budget à réunir et une équipe à créer, explique ce dernier. Cette fois, tout était aligné. C’est intéressant d’aller en Guadeloupe pour se mesurer et progresser, mais le national reste inégalable en termes d’expérience et de formation pour nos athlètes comme pour nous. Nos neuf jeunes, qui participaient pour moitié à leur première compétition nationale, se sont inclinés face au Grand Est en remportant tout de même deux combats. Tous ont porté avec fierté les couleurs de l’île, et ils auront de belles choses à raconter au retour dans les cinq clubs dont ils sont issus et pour lesquels c’est aussi une reconnaissance du travail accompli. Ils pourront être fiers d’avoir montré ce qu’ils sont et ce qui leur est enseigné avec l’ambition de revenir l’année prochaine. » Une compétition qui fait l’unanimité.
©Aurélien Morissard
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