Arbitrage : premier bilan
Deuxième rendez-vous international de la saison, le Paris Open mettait en application le nouveau règlement international. Un pas en avant réalisé dans le sillage des récentes réformes fédérales. Tour d’horizon.
À la veille du Paris Open, le classique briefing arbitral n’avait rien d’anodin. Quelques heures avant le début des hostilités, il était l’occasion pour le corps arbitral de rappeler le nouveau règlement international en vigueur depuis le 1er janvier. Une mise à jour bienvenue pour de nombreux coaches et combattants, et notamment une large partie des deux-cent-cinquante athlètes français en lice ce week-end. « La nouvelle réglementation internationale prend le chemin adopté au niveau fédéral il y a déjà un an et demi, à savoir retrouver de la clarté et favoriser le combat, pose en préambule Bruno Verfaillie, responsable de l’arbitrage du Paris Open Karaté et la CNA. La volonté est de reprendre le combat à l’endroit où l’arbitre l’a arrêté, limiter le rôle des juges à l’annonce des points et responsabiliser l’arbitre central, désormais seul à donner les pénalités. »
Privilégier le spectacle à la stratégie
Un coup d’œil au tableau d’affichage suffisait aux observateurs pour apercevoir un premier changement notable au règlement international : la fusion des deux catégories de pénalités. « Ce parti-pris permet désormais de recevoir un troisième avertissement avant hansoku-chui et hansoku, détaille l’arbitre continental Jérémy Sutera-Sardo. Une évolution aux conséquences majeures sur le combat, en plus d’apporter de la clarté aux spectateurs novices. » Ce ne sont pas ces derniers qui démentiront, ni les athlètes et entraîneurs qui, bien qu’un peu inquiets, se montraient satisfaits dans leur majorité. « Additionné à la reprise du combat sans retourner systématiquement au centre déjà appliqué à l’échelon national, nous gagnons très clairement en fluidité. Enfin, les combats durent-ils réellement trois minutes », observe le professeur strasbourgeois Ahmed Tas. Difficile désormais de figer le combat sans s’exposer à la disqualification, d’autant que les règles se durcissent encore dans les quinze dernières secondes, infligeant désormais a minima hansoku-chui lorsqu’un combattant évite l’opposition. « Aux victoires stratégiques, opter pour un retour au combat apparaît logique pour un art martial », souligne Bruno Verfaillie. De quoi brider l’expression de certains combattants par peur des sanctions ? « On peut difficilement nous faire ce procès, poursuit le responsable de la CNA. Sur les centaines de combats du week-end, le nombre d’hansoku se compte sur les doigts d’une main et, en termes de spectacle, nous sommes gagnants. L’augmentation du nombre de points inscrits en témoigne mieux que moi. » Du côté d’Argenteuil, on salue également la mesure, en dépit d’un manque de temps pour s’y préparer. « Mes jeunes se posaient quelques questions car aucun le calendrier permettrait difficilement de s’être entraîné à ce nouveau format, assure Chérif Tadjer. Malgré les profondes modifications stratégiques que cela implique, je constate que chacun a su adapter son karaté rapidement, même ceux qui ont habituellement tendance à user de la tactique. C’est un bon signe ! »
Rendre leur place aux combattants
« Les combattants doivent être au centre du jeu, donc de l’attention. Le fait qu’ils retrouvent également cette place au niveau international paraît finalement naturel. » Réduction des interventions, arbitre central cantonné à la sanction des pénalités, juges latéraux annonçant uniquement les points : les réformes fédérales semblent, comme souvent, donner des idées à l’échelle internationale. Le nouveau règlement favorise même davantage le spectacle, promouvant le nombre d’ippon et waza-ari aux dépens de l’appréciation des juges en cas d’égalité. « L’enjeu était de permettre au corps arbitral de s’effacer pour réduire la part offerte au subjectif dans le résultat final, détaille Jérémy Sutera-Sardo. La Séries A d’Athènes a mis ces changements à l’épreuve de la compétition… Cinq minutes ont suffi aux arbitres pour s’adapter, là-bas comme ce week-end à Paris ». Nouveauté pour les habitués des compétitions fédérales, le départage des katas à la note en vigueur au niveau international peine pour le moment à convaincre les compétiteurs amateurs. « Les trois-quarts d’entre-nous découvraient ce changement jeudi soir, regrette Kichoth Nithiyananthan, engagé avec le SIK. Pour l’élite, le classement unique reste peut-être plus précis, mais lorsque l’on cherche à progresser, la séparation entre les notes athlétique et d’expression s’avère fondamentale. Pour beaucoup de techniciens, les enseignements à tirer sont finalement flous. » Une critique entendue par le responsable de l’arbitrage Bruno Verfaillie. « D’après moi, chacune des deux approches présente ses avantages. Dans un sport d’opposition comme le karaté, le jugement au lever de drapeau demeure pertinent, même si l’arbitrage à la note permet un classement plus fin. Le règlement international sanctionne chaque faute, ce que soit une respiration excessive, le fait de frapper son kimono, ou de ne pas réaliser le mouvement en totalité… encore trop présents lors des tours préliminaires. »
Renforcer encore le spectacle ?
Quelles leçons alors tirer de ce Paris Open ? « Nous prenons le bon chemin, loue le professeur argenteuillais Chérif Tadjer. Du point de vue des spectateurs, il n’y a pas photo. Réunir les pénalités facilite la lecture de l’arbitrage, et la tension augmente encore d’un cran dans les dernières secondes du combat. Au vu de l’ambiance ressentie sur la chaise dimanche, je pense que le public ne s’y est pas trompé. » Son homologue Ahmed Tas abonde, et plaide même pour favoriser davantage le spectacle au travers du règlement en réduisant le nombre d’avertissements avant disqualification ou augmentant le nombre de points accordés pour un coup de pied à la tête. « Toutes les solutions restent à étudier, mais je pense qu’il faut veiller à garder du suspense lors des combats, rappelle Bruno Verfaillie. Surtout, il ne faut pas éliminer les poings au profit des pieds, et à l’heure actuelle le compromis trouvé nous semble assez juste. En se réformant, la WKF fait un pas dans notre direction en retenant plusieurs de nos propositions. En revanche, ce résultat de plusieurs années de réflexions ne représente pas une fin en soi, et l’objectif que nous poursuivons reste de nous harmoniser pour proposer un règlement stable. »
Un règlement uniquement appliqué à l’international
Depuis le début de cette saison 2022-2023,la Fédération Française de Karaté et Disciplines Associées applique le règlement défini en septembre 2022 pour les compétitions départementales, régionales et nationales. Aucun changement relatif à la nouvelle règlementation internationale n’est alors à prévoir à ce jour pour ces compétitions. Seules les adaptations déjà mises en place lors des coupes de France sont applicables pour les prochaines compétitions. Tout changement de règlementation sera évidemment notifié aux clubs, professeurs et licenciés.