Arbitrage, la preuve par trois !
Trois arbitres français ont réussi leurs examens mondiaux en marge du tournoi de qualification à Coubertin. La reconnaissance de la qualité de l’arbitrage français, mais aussi une forme d’accomplissement pour chacun d’eux. Trois itinéraires pour autant de convictions ancrées, qui méritaient bien un coup de projecteur.
Sébastien Uhring, changer les règles de l’intérieur

Pour Sébastien Uhring, tout a commencé par un choc. Ancien athlète avec des podiums nationaux kata il vit mal ce à quoi il assiste : réprimander plutôt qu’encourager. « Je ne fustige personne, mais je pense que ce n’était pas la bonne attitude, ni la bonne direction. Ce jour-là, j’ai pris une décision : entrer dans le corps arbitral pour le transformer de l’intérieur. » Nous sommes au début des années 2000. Il a vingt-cinq ans, est déjà père d’une petite fille, et ce goût de la pédagogie, devenue son métier. La première rencontre décisive est celle de Florent Gonçalves, figure de l’arbitrage lorrain, qui lui propose d’encadrer une école de jeunes arbitres. « Cela a agi comme un déclic. Je me suis dit : on peut rendre tout ça plus intelligent, plus humain, plus attrayant. Former des arbitres, c’est former des éducateurs. » Deux décennies plus tard, celui qui est devenu secrétaire de la Commission Nationale d’Arbitrage vient de réussir ce que l’on peut appeler, sans en faire trop, un petit exploit…
Youcef Mezahem, la motivation de la justice

De Yakouren, en Kabylie, aux tatamis du monde entier, le parcours de Youcef Mezahem est celui d’un pratiquant sincère, guidé par une idée simple : la justice. « Donner la victoire à celui qui la mérite, sans tricherie, c’est vraiment ce qui a toujours guidé ma motivation pour l’arbitrage depuis le début », résume celui qui est arrivé en France à l’âge de dix-huit ans. L’arbitrage, il le découvrira en 1993 grâce à Marc Lopez, qui en est alors le responsable pour les Hauts-de-Seine. « À l’époque, je n’aurais jamais imaginé que cette passion m’emmènerait jusqu’à ce titre d’arbitre mondial. » Devenu arbitre de ligue, puis national, il gravit les échelons à coups de nuits blanches et de week-ends passés sur les tatamis. « Je travaillais de nuit et, le matin, j’étais sur les compétitions. » Soutenu par des figures de l’époque, il « apprend le métier sur le terrain »…
Jérémy Sutera Sardo, la compétition autrement

Ancien combattant, Jérémy Sutera Sardo n’a jamais vraiment quitté la compétition. Il le dit avec simplicité et humour. « J’ai simplement changé de camp. L’arbitrage, c’est la compétition dans la compétition. » Pour ce trentenaire, le parcours a été rapide : huit ans pour gravir toutes les marches, de juge européen à arbitre mondial. « J’ai commencé en 2017, sur les championnats d’Europe, et je termine aujourd’hui à Paris, sur ce titre d’arbitre mondial kata. J’ai eu la chance de ne jamais échouer, mais c’est aussi beaucoup de travail. » Et du travail, comme le soulignent aussi Youcef Mezahem et Sébastien Uhring, il en faut : six mois de préparation pour un examen qui ne tolère aucune erreur, entre QCM de 275 questions et jugements vidéo pour les katas devant la commission mondiale. « C’est comme le code de la route, mais avec des pièges dans chaque phrase. » Un effort intellectuel qui s’ajoute à plus de deux-cents jours par an consacrés à l’arbitrage : compétitions nationales pratiquement chaque week-end, déplacements internationaux, préparation continue. L’équilibre, il le trouve grâce à une famille compréhensive. « J’ai deux enfants, bientôt trois, et une épouse sans laquelle ce serait impossible. »
Olivier Remy / Agence Sen No Sen