Karaté olympique, karaté magnifique

Les dernières médailles distribuées aujourd’hui ont permis au Japon de sortir leader des nations lors de l’épreuve olympique de karaté à Tokyo. Mais l’image la plus forte de ces trois jours historiques restera celle de Steven Da Costa, assez forte pour dépasser le cadre de notre discipline.

Vendredi 6 août, l’immense champion Rafael Aghayev a sans doute raté l’occasion de devenir l’homme du karaté aux Jeux de Tokyo, ce qui aurait été son admirable jubilé, à trente-six ans, après une carrière si impressionnante. Une finale qu’il ne gagne pas et qui restera légèrement amoindrie dans les souvenirs que nous en garderons, par son contentieux manifeste avec le champion olympique italien Luigi Busa.

L’Égyptienne au sommet

Aujourd’hui, les catégories lourdes promettaient du beau karaté, et on en a vu. Chez les féminines, on retrouvait l’Azerbaïdjan encore, avec Iryna Zarestka, vingt-cinq ans, championne du monde et championne d’Europe en titre en -68kg, victorieuse à Paris. Elle battait en demie la Chinoise Gong Li, vingt-et-un ans, époustouflante en tournois ces derniers mois avec une victoire à Dubaï, Salzbourg et Lisbonne, dans un gros combat déterminé qu’elle terminait par un balayage dans les dernières secondes… mais c’était la jeune et longiligne Égyptienne Feryal Abdelaziz, vingt-deux ans, une -68kg elle aussi, passée par le TQO parisien, qui emportait le morceau à l’entrée des trente dernières secondes par deux touches habiles au visage coup sur coup. Un joli hold-up de la combattante la plus en forme au jour J.

Une finale gâchée

Plus d’expérience rassemblée du côté des hommes, et peut-être un peu trop pour certains puisque l’un des favoris du jour, le triple finaliste mondial des -84kg (pour un titre en 2016) Ryutaro Araga, devait céder en demi-finale face à l’outsider du jour, l’étonnant Saoudien de vingt-trois ans Tareg Hamedi, trop vif pour lui. Déjà très remarqué à Paris lors du TQO grâce auquel il s’était qualifié, et encore remarquable toute la journée, il aurait pu amener la première médaille d’or saoudienne de l’histoire. Après être brillamment sorti de poule et avoir dominé le Japonais par 2-0, il se retrouvait en finale face à l’un des hommes forts de cette génération, et l’un des plus lourds sur le plateau, l’Iranien Sajad Ganjzadeh, vingt-neuf ans, lui aussi trois fois sur les podiums mondiaux, dont la victoire en 2016, mais en +84kg. Alors que l’on craignait un peu pour le jeune homme le rapport de force qu’allait lui imposer l’Iranien, il marquait dans les dix premières secondes sur ura-mawashi ! La vidéo montrait ensuite que la jambe avait tout de même était bloquée par le bras levé de l’Iranien, mais le geste parfait, sur le recul, après une feinte du poing au visage, avait emporté l’adhésion des juges. Et Tareg Hamedi en rajoutait encore un peu d’une frappe précise au visage. Il se dirigeait vers une victoire qui aurait fait de lui le grand vainqueur du jour, et sans doute de cette session unique du karaté olympique, mais alors que l’Iranien s’avançait rapidement pour refaire son retard, il était cueilli par une nouvelle frappe du pied au visage, un mawashi sec, trop appuyé… sur lequel le colosse iranien s’écroulait inanimé ! Après évacuation en civière, c’est ce dernier qui se voyait récompensé du titre olympique des poids lourds, retrouvant ses esprits quelques minutes plus tard pour aller chercher sa médaille sur le podium, tandis que le jeune Saoudien, malgré ses points d’avance au tableau d’affichage, un genou au sol et en sanglots, voyait son incroyable rêve s’envoler alors qu’il semblait déjà le tenir.

Le Japon termine donc en tête grâce à son homme fort en kata et cette dernière médaille de bronze décrochée aujourd’hui par Ryutaro Araga. L’Espagne place ses deux représentants en finale, avec la victoire de Sandra Sanchez Jaime en kata féminin.

La Turquie avec ses sept qualifiés ramène quatre médailles, belle moisson qui ne la place finalement qu’à la dixième place des nations par manque d’or. Quant à la France, cinquième nation, elle revient avec la médaille d’or espérée, et surtout peut-être, en ayant donné la plus belle image du karaté aux Français, et sans doute au monde entier, celle d’une discipline aboutie et magique quand elle est exprimée par des champions de cette envergure. Une image aussi de jeunesse engagée et respectueuse dont on sait qu’elles sont les plus puissantes aux Jeux olympiques.

Le Comité National Olympique et Sportif Français ne s’y est pas trompé en décidant de nommer Steven Da Costa ambassadeur de tout le sport olympique français pour la clôture de ces Jeux. L’unique médaillé d’or de l’histoire du karaté français est porte-drapeau de la délégation tricolore. Une reconnaissance de ce que le karaté avait – et a encore – à offrir à l’olympisme français, un chapeau bas en quelque sorte. Une revanche.

Palmarès

Combat +61kg Femme

1. ABDELAZIZ Feryal (EGY)
2. ZARETSKA Iryna (AZE)
3. GONG Li (CHN)
4. BERULTSEVA Sofya (KAZ)

Combat +75kg Homme

1. GANJZADEH Sajad (IRI)
2. HAMEDI Tareg (KSA)
3. ARAGA Ryutaro (JPN)
4. AKTAS Ugur (TUR)

Classement des nations

1. JAPON : 1 médaille d’or (R. Kiyuna en kata homme), 1 d’argent (K. Shimizu en kata femme), 1 de bronze (R. Araga en combat +75kg homme)

2. ESPAGNE : 1 médaille d’or (S. Sanchez Jaime en kata femme), 1 d’argent (D. Quintero en kata homme)

3. ÉGYPTE : 1 médaille d’or (F. Abdelaziz en combat +61kg femme), 1 de bronze (G. Lotfy en combat -61kg femme)

4. ITALIE : 1 médaille d’or (L. Busa en combat -75kg homme), 1 de bronze (V. Bottaro en kata femme)

5. BULGARIE : 1 médaille d’or (I. Goranova en combat -55kg femme)

6. FRANCE : 1 médaille d’or (S. Da Costa en combat -67kg homme)

7. IRAN : 1 médaille d’or (S. Ganjzadeh en combat +75kg homme)

8. SERBIE : 1 médaille d’or (J. Prekovic en combat -61kg femme)

9. AZERBAÏDJAN : 2 médailles d’argent (R. Aghayev en combat -75kg homme, I. Zaretska en combat +61kg femme)

10. TURQUIE : 1 médaille d’argent (E. Samdan en combat -67kg homme), 3 de bronze (M. Coban en combat -61kg femme, A. Sofuoglu en kata homme et U. Aktas en combat +75kg homme)

11. CHINE : 1 médaille d’argent (X. Yin en combat -61kg femme) et 1 de bronze (L. Gong en combat +61kg femme)

12. UKRAINE : 1 médaille d’argent (A. Terliuga en combat -55kg femme) et 1 de bronze (S. Horuna en combat -75kg homme)

13. ARABIE SAOUDITE : 1 médaille d’argent (T. Hamedi en combat +75kg homme)

14. KAZAKHSTAN : 2 médailles de bronze (D. Assadilov en combat -67kg homme, S. Berultseva en combat +61kg femme)

15. AUTRICHE : 1 médaille de bronze (B. Plank en combat -55kg femme)

16. HONG-KONG : 1 médaille de bronze (M.S.G. Lau en kata femme)

17. HONGRIE : 1 médaille de bronze (K.G. Harspataki en combat -75kg homme)

18. JORDANIE : 1 médaille de bronze (A.R. Almasatfa en combat -67kg homme)

19. TAIPEI CHINOIS : 1 médaille de bronze (T. Wen en combat -55kg femme)

20. ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE : 1 médaille de bronze (A. Torres Gutierrez en kata homme)