
Transmettre la forme originelle du krav-maga
À quarante-deux ans, Meni Mehabad est 8e dan de krav-maga et a la responsabilité d’être le premier assistant du Grand Maître de la discipline, Haim Zut, 10e dan. Les vérités d’un héritier.
Ce colosse en pleine forme de quarante-deux ans a compris il y a environ trente ans, après un passage par d’autres sports de combat, que c’est le krav-maga qui allait lui permettre de devenir vraiment fort. Il n’y a pas de maître dit-on, il n’y a que de bons disciples. Une façon de dire qu’il faut savoir reconnaître les opportunités qui se présentent. Par exemple, quand un monstre sacré du monde martial enseigne tout près de chez vous, en l’occurrence à Hadera, sa ville natale. « Quand j’ai rencontré Haim Zut, il avait cinquante-six ans et il était très dur et très fort. Sans doute l’un des hommes les plus forts physiquement que j’ai rencontrés. Mais il était aussi très naturel et très modeste, toujours à hauteur d’yeux de ceux auxquels il s’adressait, comme on dit chez nous. C’était un homme qui avait fait beaucoup de choses dans sa vie : fermier, gardien dans la sécurité… et qui connaissait tout sur tout à mes yeux de très jeune homme. Il avait beaucoup de choses à donner, il fut un vrai maître pour moi ».
Une passion désintéressée
Meni Mehabad est aussi une tête bien faite. Ingénieur en électronique, pourvu d’un MBA en business et économie, il est « project manager » dans sa société. « Il a fallu faire un choix. Devenir un pur professionnel et enseigner le krav-maga ou rester un amateur avec ce que cela veut dire. En 2005, Haim Zut a souhaité que je prenne en charge l’organisation de notre association. Je lui ai demandé ce qu’il voulait. Qualité ou quantité ? Il m’a répondu qu’il voulait préserver la qualité de l’enseignement et une structure familiale. Pour moi aujourd’hui, le krav-maga est une passion et un mode de vie, mais pas mon métier, ce qui me permet d’être indépendant financièrement et de toujours décider dans le sens de la qualité et de la rigueur, qui est la marque générale de notre école. Il est essentiel de prendre en main l’intérêt des étudiants ».

La responsabilité d’une voie à suivre
Haim Zut, reconnu 10e dan par ses pairs, est l’un des plus anciens étudiants du fondateur Imi Lichtenfield et l’instructeur le plus gradé et le plus respecté du krav-maga historique, se spécialisant par la suite dans la récupération de jeunes en difficulté à travers notamment la pratique martiale. La fondation de la fédération « Krav-Maga Haim Zut » fut décidée lors de l’éclatement de la structure originelle dont il était pourtant l’un des fondateurs. Il fallait s’opposer aux diverses tentations de faire de la mode internationale de la discipline une affaire rentable à base de franchise et de méthodes simplifiées, et rester sur la ligne d’une formation de l’homme et du citoyen à travers un entraînement sans complaisance. Dans l’esprit de la self-défense prônée par le krav-maga, la sincérité dans la recherche constante d’efficacité comme seul et unique but de la pratique est une question d’intégrité morale. « Prendre la responsabilité de notre groupe, c’est aussi pour moi un devoir, pour continuer à préserver un enseignement et un esprit, pour poursuivre dans la voie initiée par Haim Zut. Transmettre, pour nous, c’est donner une véritable expertise technique, physique et mentale, mais aussi d’une façon plus large aider à l’épanouissement de nos étudiants, leur permettre de maîtriser les habilités qui permettent de devenir un individu à l’aise dans la société, efficace dans sa vie, capable de travailler et de gagner de sa vie, confiant et heureux. Les Japonais nous ont appris beaucoup de choses, notamment dans le respect des lieux, des maîtres, dans les méthodes de transmission, de graduation. Ils nous ont appris aussi ce qu’était le sens à donner à une pratique véritable et l’exemplarité que doivent assumer les professeurs. La touche israélienne, c’est d’aller vite à l’essentiel, de sauter à pieds joints dans l’esprit de la self-défense, mais nous comprenons le grand esprit universel de la pratique de soi à travers la pratique martiale ».
Trouver le moyen de rester concret
Sauter à pieds joints… une métaphore qui va bien au krav-maga et à sa profession de foi qui en fait la synthèse de self-défense la plus appréciée de l’époque pour son efficacité et son analyse précise des situations de risque. Cette prétention à rester collé à son époque est une responsabilité que l’école de Meni Mehabad ne prend pas à la légère. Les entraînements y sont dynamiques, dans une ambiance intense qui vise à s’approcher du réalisme des situations travaillées. « Étudier le mouvement au ralenti, cela va pour la première fois, mais on essaie de s’entraîner immédiatement à la vitesse des situations réelles en répétant assez pour automatiser les réponses. Par ailleurs, nous ne restons jamais campés sur nos savoirs acquis. Nous apprenons de la rue, de l’expérience de nos élèves. Nous nous réunissons en comités pour étudier des situations nouvelles et trouver des solutions toujours plus fiables. Il faut toujours trouver le moyen de rester concret, tout en gardant l’esprit ouvert. Quand le jujitsu brésilien est arrivé, on a pris des instructeurs de cette discipline pour apprendre et élaborer des solutions qui nous correspondaient. Nous ne pouvons pas battre un instructeur de lutte à la lutte, ou de karaté en karaté, mais nous pouvons nous défendre contre eux avec nos armes techniques, comme contre n’importe quel potentiel agresseur. L’explosion actuelle des violences aux personnes dans toutes les sociétés et la variété des types d’agression nous obligent à une approche précise et modulée en fonction des physiques, des situations, des expériences et des besoins. Un gardien de prison, ce n’est pas la même chose qu’un soldat de métier, qu’un videur ou qu’une mère de famille. Cette adaptabilité nous vaut de nombreuses demandes de stages de différentes unités spécialisées de défense dans le monde entier. Nous en sommes fiers, nous l’interprétons comme le signe d’une réussite. »

Un rendez-vous historique
À désormais quatre-vingt-cinq ans, Haim Zout a bien mérité les honneurs d’une vie réussie. Certains de ses événements seront ouverts aux passionnés et mériteront le détour comme nous l’annonce Meni Mehabad. « En mai de cette année, nous allons faire une grande réunion de famille avec tous nos experts et instructeurs, mais aussi des invités prestigieux dans d’autres pratiques martiales. Nous ferons un séminaire de cinq jours ouvert à tous pour fêter cet anniversaire, pour célébrer le respect et l’amitié qui unissent les experts de tous les styles. Avoir Haim Zout en personne, c’est l’occasion de découvrir l’histoire de la discipline de la bouche d’un témoin direct, un homme capable d’expliquer toute la genèse des systèmes d’entraînement du krav-maga, des premiers “sparrings” de l’époque des années 1940 jusqu’à aujourd’hui. C’est une occasion unique de pratiquer, d’apprendre et de se réjouir ensemble. N’hésitez pas à venir ! »