

T. Nagura : « Cinq raisons pour que le karaté aille aux Jeux »
Nagura Toshihisa est japonais, membre de la « Japan Karaté Association » et Secrétaire Général de la Fédération Mondiale de Karaté (WKF). Sa mission essentielle, celle pour laquelle il s’est engagé totalement depuis plusieurs mois : faire que le karaté soit olympique en 2020 lors des Jeux olympiques de Tokyo. Pourquoi il y croit et pourquoi nous pouvons espérer vivre cette extraordinaire aventure ? Nos questions, ses explications.

FFKaraté : Nous avons compris que votre rôle aujourd’hui est de faire en sorte que le karaté soit olympique en 2020 lors des Jeux d’été organisés à Tokyo. Pouvez-nous préciser ce que cela veut dire ?
Nagura Toshihisa : Je vous rappelle d’abord les faits. Le karaté a présenté plusieurs fois sa candidature pour les Jeux olympiques, et même si nous ne sommes pas passés loin, notamment il y a quatre ans, nous avons échoué jusqu’à présent. Mais Tokyo a été désigné pour recevoir les Jeux olympiques en 2020. Or, il se trouve qu’en décembre de l’année dernière, le Comité Olympique International a pris une décision qui est une sorte de révolution : la ville hôte a désormais le droit de proposer un événement pour les Jeux. Ce qui veut dire que Tokyo peut, et va proposer l’organisation en 2020 d’une épreuve sportive spécifique. Nous, je veux dire la JKA et la WKF, avons décidé de travailler très ardemment à ce que ce soit le karaté qui soit proposé par Tokyo.
FFK : Le karaté a-t-il des rivaux ? Tokyo peut-il proposer d’autres sports ?
N. T. : Il faut clairement répondre oui à cette question. Le karaté n’est pas la seule discipline sportive en jeu, il est en concurrence avec d’autres disciplines et, je dois le reconnaître, n’est peut-être même pas favori par rapport notamment au baseball / softball [NDLR : le softball est une version en salle du baseball. Le baseball est sport olympique de 1992 à 2008, sous la version softball pour l’épreuve féminine.]. Vous le savez sans doute, le baseball comme le softball sont des disciplines très appréciées au Japon. L’épreuve féminine des Jeux de 2008 a été gagnée par le Japon. Disons que nous sommes sans doute devant des disciplines comme le Squash et le Wakeboard, mais, c’est vrai, probablement derrière le Baseball.
FFK : Cela veut-il dire que nos chances sont faibles ?
N. T. : Non car, d’une part, cette hiérarchie n’est pas officielle et que, surtout, la nouvelle règle adoptée par le CIO stipule que la ville hôte peut présenter « un ou plusieurs » événements. On peut donc tout à fait imaginer que Tokyo présente le Baseball et le Karaté. Nous n’en sommes qu’au début. Nous avons présenté notre candidature, donné nos documents officiels au TOCOG, le Tokyo Organizing Committee of Olympics and Paralympics Games, qui sont en pleine étude de la question. Quoiqu’il en soit nous saurons en septembre, donc rapidement, quelle discipline est choisie par eux, si il y en a une, ou plusieurs. En août 2016, le CIO se réunit et devrait probablement donner son assentiment final à la proposition de Tokyo. Accepteront-ils la proposition complète ? Une partie seulement ? Difficile pour l’instant de le prévoir…
FFK : Pouvons-nous vous demander votre sentiment personnel sur les chances du karaté d’être effectivement olympique en 2020 ?
N. T. : Mon point de vue personnel… J’ai bien sûr un immense espoir. Mais je vais plutôt vous donner les raisons qui nous donnent à tous le droit d’espérer que cet espoir devienne réalité. En voici cinq.
D’abord, évidemment, le fait que le karaté soit une discipline japonaise, ce qui est un atout considérable notamment pour la décision de la ville de Tokyo, mais aussi, c’est essentiel, le fait que le karaté soit un sport global, universel, dont la population de pratiquants est énorme. À ce niveau, nous répondons parfaitement aux critères olympiques, et sans doute mieux que certains de nos rivaux. C’est la deuxième raison. On comprend aussi tout l’intérêt pour le pays hôte, le Japon, d’avoir le karaté aux Jeux 2020, ce serait une garantie de médailles, et pas seulement une, comme avec le Baseball. Ajoutons que nous avons aussi, par notre histoire et nos institutions, une excellente réputation, en particulier dans la lutte contre le dopage, qui est un enjeu important pour le CIO. Enfin la dernière n’est pas la moindre, car les structures d’organisation sont pragmatiques, nous n’avons pas besoin d’équipements spécifiques, de bâtiments neufs. Le Nippon Budokan serait parfait pour recevoir l’épreuve.
En 1964, le Judo et le Volley-Ball sont entrés aux Jeux comme sports officiels à Tokyo. Pourquoi pas le Karaté et le Baseball pour Tokyo 2020 ? Ce serait une bonne combinaison. La World Karaté Fédération a été fondée en 1970, cinquante plus tard exactement, le karaté pourrait être aux Jeux. J’y vois comme un signe ! Ce serait un magnifique symbole. J’espère vraiment. Mais comme ce n’est pas nous qui décidons, mais eux. Il nous reste à croiser les doigts et à ne pas se relâcher. Nous allons vivre des mois très excitants.
Ce vendredi, retrouvez sur notre site internet la seconde et dernière partie de notre entretien avec Nagura Toshihisa …