
Femmes haut-gradées : L’union fait la force
Le Collège de Femmes Hauts Grades (CFHG), créé l’année dernière, se réunissait pour la seconde fois au siège de la FFKaraté le 19 octobre dernier. L’occasion d’évoquer avec son « comité de pilotage » les actions entreprises, mais aussi le sens qu’il faut donner à ce projet.
Un an déjà que l’aventure a commencé. « C’est parti de la constatation que très peu de femmes se rendaient à la réunion des haut-gradés », rappelle Frédérique Vitrac, 6e dan karaté shito-ryu. Il fallait un référent, ce fut Isabelle Amiel, 6e dan karaté nanbudo, présente en région parisienne, un comité de pilotage, composé de Frédérique Vitrac, Isabelle Amiel, Cécile Allix, 6e dan karaté shito-ryu et Fabienne David, 5e dan karaté nanbudo. Isabelle Amiel explique ce qui sous-tendait le projet : « On parle finalement assez peu des femmes dans le karaté alors qu’elles y font un boulot énorme, mais souvent dans les rôles secondaires. Majoritaires dans le travail, mais minoritaires dans les structures… La première chose à faire était de se réunir, de se compter, de se connaître. »
Plus de sollicitations
Fabienne David et Cécile Allix s’en étonnent encore : « C’était sidérant de prendre conscience de ces forces vives, de ces palmarès majuscules réunis autour de la table, des responsabilités qu’elles avaient prises à tous les niveaux, du club jusqu’au national, et dans tous les styles. Et, en même temps, de la modestie avec laquelle beaucoup se présentaient aux autres, en évoquant par exemple trente ans de pratique, mais en oubliant leur titre de championne du monde. » Après cette première étape, les premières actions sont lancées. La commission féminine, un peu en sommeil, fut revivifiée, la communication relancée. Cécile Allix se félicite des cailloux blancs semés tout au long de l’année. « L’idée générale est de soutenir les femmes pratiquantes, d’aider chacune d’entre elles dans son club, mais aussi, de façon pragmatique, de donner de la visibilité et donc de la crédibilité à nos expertes. Elles étaient deux l’année dernière, elles sont onze cette saison. Cinq portraits ont été publiés sur le site de la FFKaraté et cela a manifestement favorisé les sollicitations pour des stages dont elles ont été l’objet. »
Stages en avril
Et pour le futur ? Un grand stage national les 25 et 26 avril 2020 à Castelnau pour tout public, avec les expertes du karaté français à la baguette. « Il y a une marge de progression énorme pour les femmes dans l’aventure du karaté et de ses structures », exprime Isabelle Amiel en voyant plus loin. « Nous représentons 35% des pratiquants de la FFKaraté, mais surtout chez les jeunes. Quand on monte en âge, nous sommes moins nombreuses, moins gradées. Les femmes ne sont pas tellement présentes dans les rôles de présidente ou de trésorière des structures, ni chez les entraîneurs nationaux ou chez les délégués aux grades. Ce sont des progrès que nous pouvons faire. »
Une expérience spécifique
Finalement, quelle est la spécificité des femmes dans l’universel parcours de la pratique ? A-t-on raison d’identifier les expertes et les hauts grades du sexe qu’on disait « faible » il n’y a encore pas si longtemps ? Et pour quoi faire ? « Il ne s’agit évidemment pas d’une revendication féministe au sein du karaté, sourit Isabelle Amiel. D’autant que notre fédération est globalement exemplaire, attentive sur ce point. Le but est plutôt de constater les difficultés spécifiques des parcours féminins dans la pratique. Il y a, bien sûr, la nécessité d’équilibrer cet engagement avec les vies familiales et professionnelles, qui aboutit parfois à ne pas aller au bout des choses, à ne pas passer les grades par exemple, mais aussi à une forme de solitude qui rend les choses plus difficiles, plus fragiles. » C’est souvent l’admiration pour une aînée, élève, professeur, ou pour celles qui brillent et encouragent par l’exemple, comme une Laurence Fischer au destin accompli sur le tapis et dans l’engagement social, qui les a aidées à résister, à passer les caps. « Ce que nous faisons aujourd’hui, c’est pour celles qui ont vingt ans actuellement. »
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Changer positivement les mentalités
Et pas uniquement pour les femmes. Amener la rigueur, l’ouverture d’esprit, la curiosité pour l’autre des hauts grades féminins au service de tous, pourquoi pas ? Frédérique Vitrac est consciente de ce qu’elle et ses collègues peuvent apporter dans la corbeille commune. « Le DTN, Dominique Charré, nous avait touchées l’année dernière en nous disant que nous pouvions être moteurs dans la communication interstyles. Cela se passe effectivement très bien chez nous, avec de la curiosité mutuelle et aucun problème d’ego. » Et Isabelle Amiel de conclure : « Sans faire de généralités trop simplificatrices, on peut dire que les femmes qui pratiquent sont souvent sensibles à la différence, à la diversité, à la fragilité des parcours et des individualités. Nous pouvons contribuer à changer positivement les mentalités. »