

Yann Baillon « Les bons choix paient »
Avec dix médailles dont les deux titres de Mehdi Filali et Nohan Dudon lors des championnats d’Europe, la France, qui place ses quatre équipes sur les podiums, voit déjà les fruits de la réorganisation voulue par son DTN et par Ayoub Neghliz, son directeur des équipes de France.
De retour des championnats d’Europe, quel premier bilan pouvez-vous dresser ?
Il faut d’abord souligner l’attitude du collectif : une belle cohésion d’équipe dont on doit se réjouir. Avec Ayoub Neghliz, nous avons souhaité apporter des évolutions importantes dans l’encadrement ces derniers mois, tout en maintenant une bonne communication avec les entraîneurs des clubs, qui interviennent dans la planification. Nous avons cherché un peu plus loin, un peu plus en profondeur avec chaque athlète. Cette évolution implique beaucoup de changements dans l’encadrement avec l’arrivée de Ludovic Cacheux et de Damien Dovy pour le combat et de Pascal Poitevin, un ancien de l’équipe de France, qui a impeccablement pris en main l’équipe kata. Il y a aussi un renouvellement parmi les athlètes, avec un rajeunissement des équipes, la pause d’Alizée Agier et de Léa Avazéri, beaucoup de turn-over, l’arrivée de nouveaux athlètes qui ont connu, en Arménie, leur premier championnat international. La première satisfaction se situe donc dans le fait que chacun trouve ses marques.

Est-ce que ce bilan de dix médailles, six en valides et quatre en para, vous satisfait ?
C’est une étape. Après les mondiaux par équipes de Pampelune, nous sommes repartis sur un nouvel objectif de deux ans, à préparer les mondiaux individuels en fin d’année et la coupe du monde par équipes en 2026 . Pour cela, nous avons mis en place une reconstruction des équipes pour les combats, avec l’intégration de jeunes, chez les filles mais aussi chez les garçons. Les deux équipes sont montées sur le podium à Erevan. Les filles ont réalisé un superbe parcours jusqu’à la finale où elles se sont fait stopper par des Allemandes très fortes. Nous avions la fougue pour nous mais elles étaient davantage expérimentées. Je considère que c’est un point d’ancrage pour l’avenir. Les garçons, eux, s’ils se sont inclinés contre l’Italie, ont très bien réagi face à une impressionnante équipe de Bosnie qui a emmené l’Italie au cinquième combat. Au final, nos quatre équipes sont médaillées.
Avec le kata français qui revient sur les podiums avec de jeunes athlètes…
Oui. En kata, nous avons effectivement vu tout le chemin parcouru avec deux médailles par équipes et la finale d’Helvétia Taily, avec un excellent accompagnement de Pascal Poitevin notamment qui a apporté beaucoup techniquement et une stratégie payante en équipe hommes avec quatre techniciens, afin d’avoir une équipe pour les éliminatoires et une autre équipe pour la médaille. Lucas Jeannot, avec les filles, a aussi permis de conforter la médaille de l’année dernière. Le projet kata, remis en marche il y a plusieurs années, montre que les bons choix sont en train de payer.

En combat valide, c’est Mehdi Filali qui a endossé le rôle de leader…
Oui, et il l’a bien fait. Nous aurions aimé davantage d’or en combat, mais il y a quand même eu des beaux parcours. Enzo Berthon s’incline en demie sur blessure et n’a malheureusement pas pu disputer sa place de trois, mais il aurait largement pu faire une médaille, voire se hisser en finale. Younesse Salmi, à qui il manque encore ce petit plus qui fait la différence pour la médaille, a passé un cap et il faut retenir aussi ce parcours. On a aussi vu Sydney Yvon qui a tout le potentiel pour aller très loin et qui a pris de l’expérience et gagne en maîtrise. La médaille n’était pas loin non plus pour Tiphaine Bonnarde… J’ai aimé tout cela, même quand la médaille n’était pas au bout. Et j’ai aimé les paras, au rendez-vous avec une superbe dynamique.

Parlons-en justement, avec Nohan Dudon qui ramène à nouveau le titre…
Il récidive sa performance de l’année dernière, ce qui est très difficile à faire, en battant son éternel concurrent roumain. C’est vraiment une très belle performance de l’équipe de France para, qui se place parmi les meilleures nations européennes. À part Charlène Odin, tous sont médaillés, à l’image aussi d’Alexandre Schoegel qui démontre une grosse progression. Un travail important a été entrepris de la part des athlètes, de leurs entraîneurs, mais aussi de Manon Lambert, dont on ne parle pas assez mais qui s’investit énormément et fait progresser tout le monde. Tout cela doit d’ailleurs nous conduire à accentuer notre travail de détection car il faut préparer l’avenir et toutes les nations sont de plus en plus compétitives. Ces athlètes para ne bénéficient pas des aides dédiées aux sportifs listés haut niveau, c’est regrettable, mais la fédération a fait le choix depuis un moment, de compenser ce manque par des moyens qui sont équivalents à ceux des valides, que ce soit l’investissement humain avec des entraîneurs alloués à la préparation, mais aussi financiers avec une réelle planification, avec de nombreux stages de préparation. On souhaite d’ailleurs que les paras soient intégrés au classement des nations, ce qui est actuellement en discussion à la WKF.

Un mot pour conclure ?
La construction et l’optimisation de la performance sont des choses qui prennent du temps. Un travail individualisé a été entrepris avec de nombreux athlètes, beaucoup plus efficient – c’est notre demande, avec Ayoub Neghliz, auprès des entraîneurs nationaux – en lien avec les entraîneurs de club. C’est ce travail individuel qui va permettre aux athlètes, qui ont du talent et qui font déjà des parcours intéressants, de passer un cap. Avec ce championnat, je ressens une prise de conscience et de confiance. La plupart d’entre eux doivent viser une médaille continentale l’an prochain, après des championnats du monde qui vont se glisser entre ces deux championnats d’Europe. Si le niveau sera plus élevé en Égypte – où certains sont déjà qualifiés ou presque grâce à une bonne position à la ranking – il y aura quand même des coups à faire. Il faudra oser !
Propos recueillis par Olivier Remy / Sen No Sen