

Thalya Sombe, sublime récidive
Précédée par son statut de tenante du titre et ses déjà nombreuses médailles sur le circuit seniors, la jeune combattante du CKS en Pays Créçois n’arrivait pas en terrain conquis à Venise. Ce qui ne l’a pas empêchée, au terme d’un parcours remarquable de maturité et de conviction, de conserver sa couronne en espoirs. Retour sur un triomphe.
« S’il fallait choisir entre mes deux titres, ce serait celui-là, tellement plus difficile à obtenir et différent en termes d’émotions. » Que Thalya Sombe se rassure, elle sera à jamais double championne du monde espoirs, comme seule y était parvenue avant elle Gwendoline Philippe (2017 et 2019, après une victoire en juniors en 2015). Ce n’était pourtant pas écrit dans le marbre face à des adversaires qui mettaient une nouvelle fois tout en œuvre pour ne pas s’exposer aux multiples armes offensives de la tricolore. « Pour Thalya qui aime le côté spectaculaire du karaté, c’est énormément de frustration d’enchaîner les combats contre des filles qui ne se livrent pas et ralentissent les actions, analyse Marc Ruelle, coach du club seine-et-marnais avec son frère Yves. Mais elle a appris à faire avec, pour se construire un mental à toute épreuve et surpasser cette adversité compliquée à manœuvrer au fil de ses sorties en seniors. » Au gré des combats victorieux, comme lors de sa démonstration de force de janvier dernier sur l’Open de Paris qu’elle remporta brillamment, mais aussi des revers douloureux, comme celui infligé par la Turque Sudenur Aksoy – la rivale de sa finale mondiale 2022 – lors de son entrée en lice aux Europe espoirs une semaine plus tard. « A posteriori, je n’avais pas eu le temps de diriger ma journée magnifique de Coubertin, et cette défaite a ouvert une période de profonde remise en question, récapitule la principale intéressée. Ce n’était pas possible pour moi de perdre de cette manière si peu de temps après avoir été tout en haut. »

Pour ne plus revivre cette mésaventure, elle s’est à nouveau adjoint les services d’un préparateur mental, tout en bénéficiant du discours rassurant du staff national et de son référent Cécil Boulesnane. « Moi qui la suis depuis qu’elle est entrée au pôle de Châtenay à l’âge de quatorze ans, j’ai appris à bien la connaître à travers les entraînements, mais aussi le suivi scolaire, la gestion du quotidien… C’est une jeune fille très exigeante avec elle-même, qui n’a besoin de personne pour se mettre énormément de pression, et l’enjeu de la préparation était de parvenir à dédramatiser ce rendez-vous, de gommer de sa tête toutes les pensées parasites pour qu’elle ne se concentre que sur le tapis. Ce fut compliqué lors de ses deux premiers combats, et notamment celui contre la Croate où elle ne passe vraiment pas loin de l’élimination. Et je crois qu’elle a tellement eu peur de perdre qu’elle s’est montrée beaucoup plus concentrée par la suite. » Au meilleur des moments puisque se pointait face à elle Sudenur Aksoy, elle aussi en dedans lors de ses premières apparitions, comme si les deux jeunes femmes savaient que leur affrontement était le tournant des éliminatoires pour pouvoir rêver d’or en fin de semaine. « Bizarrement, ce fut presque le moins stressant de mes combats, car je savais précisément ce que je devais faire pour continuer mon chemin, nuance la double médaillée continentale senior par équipes. Je me suis aussi répété qu’il fallait que je profite sur le tapis, au contraire de mes premiers tours. »
Un mantra qu’elle suivait également en demie contre l’Ukrainienne Vira Fohlinska, avant que l’armure ne se fende une fois la première partie du contrat remplie. « J’ai beaucoup pleuré après cette victoire, entre ce ticket obtenu pour la finale et la pression qui est redescendue d’un coup. À ce moment précis, j’ai pris conscience de tout ce que j’avais traversé pour en arriver là, tous ces sacrifices, tous ces pleurs. Ce fut plus intense qu’après la finale je crois, où je n’ai pas vraiment eu le temps de réaliser que j’étais à nouveau championne du monde. » Une sortie des années jeunes par la grande porte, alors que Thalya Sombe n’a pas attendu pour enfoncer celle du monde seniors depuis plus d’un an. « C’est aussi ce qui rend cet exploit encore plus beau, et nous donne encore davantage d’espoirs pour la suite, apprécie Cécil Boulesnane. Comme elle, nous voyons loin, et tout est réuni pour y arriver. »
