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Eiji Kawanishi « La puissance, c’est le naturel »

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À soixante-dix ans, le maître de Nantes, Eiji Kawanishi, 8e dan, n’a rien perdu de son charisme, ni de sa capacité à exprimer une intimidante puissance. Elle procède de la « note juste », dit-il, comme pour un peintre ou un musicien. Rencontre avec un homme qui fait du karaté comme il respire.

Vous semblez toujours animé du même feu pour le karaté qu’à vos débuts…

Au Japon, on faisait beaucoup de sport déjà quand j’étais jeune. J’aimais le combat, j’ai fait du sumo amateur, mais dès que j’ai commencé le karaté, j’ai senti que j’avais trouvé ce qu’il me fallait. J’ai adoré ça, et je continue à le faire. Le karaté toute une vie ? On ne se pose pas la question pour un artiste. On trouve tout à fait normal qu’il soit impliqué jusqu’à son dernier souffle. Le karatéka fait la même chose qu’un peintre. Il découvre de nouvelles choses, évolue dans sa manière de faire, s’oriente souvent vers une forme de plus en plus radicale, de plus en plus abstraite. Si les gestes sont bien faits, la technique précise, on peut pratiquer toute sa vie.

À quoi sert le karaté dans votre esprit ?

Le combat, la compétition, c’est essentiellement un potentiel de départ, une épreuve plutôt favorable aux gens doués, qui sont une minorité. Dans l’atmosphère actuelle j’ai envie de répondre que le karaté sert surtout à résister à l’anxiété générale ! Parce que cela permet déjà de bien se défouler à chaque séance. On bouge, on peut crier, ce qui déstresse. Dans cette époque de repli sur soi, le karaté nous permet constamment de revenir à la ligne du corps, avec des mouvements d’ouverture vers l’extérieur. Je dirais que le karaté permet de travailler à se sentir bien, physiquement et mentalement.

Comment ne pas se tromper pour appliquer ce programme ?

En respectant essentiellement la biomécanique. Les gestes pertinents, on les utilise constamment dans notre quotidien au fond. Mais en kimono, c’est plus compliqué, on est bloqué, notamment par le fait que ce n’est pas forcément intuitif. Le karaté, c’est comme la gamme musicale, il faut que la note soit juste. Ce que nous cherchons, c’est la capacité à dégager de la puissance et pour cela, il faut découvrir le geste naturel pour le faire, comme quand on apprend à marcher et à courir. Pour continuer à répondre à la question, la meilleure façon de ne pas se tromper, c’est de suivre un bon professeur dès le départ et de se concentrer sur les bases. Il faut répéter ce travail.

Comment ?

Les compétiteurs valorisent le travail du timing, mais c’est quoi le timing si les techniques ne sont pas acquises ? Quand on combat au contact, on sait si ce n’est pas bon et cela fait mal. Il faut prendre tout le temps nécessaire pour développer la maîtrise technique. Do, ré, mi, ce n’est pas do, ré… sol ! Si vous ne faites pas la différence, il n’y a aucune possibilité de progresser à long terme. Ce ne sera jamais juste. En kata, c’est la même chose. La posture, l’explosivité, c’est facile. Le travail de fond, ce n’est pas la condition physique, c’est d’abord la qualité de la base technique. C’est ça, le kata. Un enchaînement de bases techniques. C’est quand cet aspect est maîtrisé que l’on peut rechercher l’efficacité. Le champion olympique japonais Ryo Kiyuna montre de l’efficacité. Il a fait du makiwara, cela se voit. Le poing est toujours parfaitement aligné. Il sait dissocier le déplacement et la frappe, ce qui est pour moi une condition de la puissance. On peut toujours progresser mais ce garçon-là a mis la barre très haut. Avec ce niveau de maîtrise, le kata permet de faire du karaté comme on respire.

Le Japon a-t-il encore des secrets au niveau de la transmission technique ?

Aujourd’hui, il y a des professeurs partout et même sur internet. C’est incroyable ce que l’on trouve sur internet ! À notre époque, rien que de croiser un jour un champion du monde sur un stage, c’était incroyable. Sur internet, il y a tout ce qu’il faut pour devenir très fort. Le Japon n’a qu’un secret, et ce n’est même pas un secret. Au Japon, on ne pose pas de questions au professeur et cela permet une chose : rester plus longtemps sur les bases. C’est ce qui fait leur supériorité.

Après tant d’années de travail, est-ce toujours le geste juste que vous cherchez ?

C’est le travail de fond de l’expert, qu’il soit peintre, musicien ou autre chose, que de chercher à être toujours plus juste. Trouver plus d’impact en dépensant moins d’influx et d’énergie. J’ai eu la chance d’avoir un bon professeur dès le départ, j’ai bien appris. Désormais, ce sont les sensations qui deviennent le champ d’exploration. Au bout du travail, ce qui devient essentiel, c’est que la pensée soit juste aussi. Finalement, c’est le plus important. Quand on est jeune, on veut se mesurer. En vieillissant, on admire de plus en plus. On discerne le talent chez les autres – c’est l’œil de l’expert – et on l’apprécie. Je regarde mes camarades haut gradés, je les guette dans leur travail. Que montrent-ils ? Où en sont-ils ? Pourquoi sont-ils concentrés sur ce point particulier ? Ils sont tous mes maîtres. Évidemment, ce n’est pas si simple de « s’arrondir », de se polir comme un galet. Chez moi, il y a encore beaucoup d’aspérités !

Propos recueillis par Emmanuel Charlot / Sen No Sen

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